Des teintures végétales et du tissage pour l’été

L’été continue en demi-teinte. Si le mois de juillet a été relativement beau, chaud et sec, ça n’est plus le cas d’août qui est pour l’instant plutôt frais et humide.

Les pêches en juillet

Les pêches en juillet

J’ai quand même continué mes expérimentations en teintures végétales, il y a toujours des essais à faire pour tenter d’obtenir telle ou telle couleur. J’aime travailler avec la garance, c’est vraiment une plante tinctoriale que j’apprécie par la variété de couleurs qu’il est possible d’obtenir :

Les couleurs de la garance

Les couleurs de la garance

La dernière série qui me comble visuellement :

Bourdaine, rhubarbe et pastel.

Bourdaine, rhubarbe et pastel.

De gauche à droite bourdaine en macération basique, rhubarbe dans 4 nuances (orangé, jaune clair, jaune soleil et vert mousse), rhubarbe et pastel (vert et gris violet), et pastel (3 tonalités de bleus). Aucune de ces laines n’a été mordancée, la bourdaine et la rhubarbe ont été réalisés à froid, soit par macération basique, soit simple macération. C’est là où la teinture par fermentation rejoint la teinture plus classique, est-ce que ce sont vraiment deux méthodes radicalement différentes ? Je finis par me poser des questions.

Paradoxalement, en teinture végétale, il y a une couleur qu’il n’est pas possible d’obtenir « en l’état », c’est le vert franc. La chlorophylle n’est en effet pas soluble dans l’eau. On peut se rapprocher d’une idée du vert mais on n’obtiendra pas vraiment un vert émeraude. La seule solution c’est d’avoir recours à une surteinture avec du bleu et du jaune. C’est ce que j’ai réalisé ici avec la rhubarbe et le pastel :

Surteinture de pastel et de rhubarbe.

Surteinture de pastel et de rhubarbe.

En haut le vert est obtenu en trempant un écheveau bleu dans un bain de rhubarbe. En bas c’est l’inverse que j’ai fait, j’ai trempé un écheveau jaune dans la cuve de pastel. Dans les deux cas je pensais obtenir du vert, quelle surprise en sortant l’écheveau gris-violet de la cuve de pastel ! Je suppose que la rhubarbe a viré de couleur dans la cuve au pH basique, bien que je n’aurais théoriquement pas dû obtenir ce violet avec une laine orangée surteinte en bleu. Une belle surprise et une nuance à mon goût superbe.

Côté tissage j’ai terminé un chemin de table en coton mercerisé :

Chemin de table en overshot

Chemin de table en overshot

Détail du chemin de table

Détail du chemin de table

Démarré un tissage type été-hiver toujours en coton mercerisé :

Tissage été-hiver

Tissage été-hiver

Et parallèlement, entamé le tissage d’une écharpe sur mon mini-métier Structo. La chaîne est en laine Zephir que j’avais teint l’année dernière avec les couleurs de la cochenille, la trame est aussi en Zephir mais noir (teinture conventionnelle). La cochenille est une autre très belle teinture qui donne des roses tyriens et des cramoisis à se pâmer 😉

Chaîne en couleur de la cochenille.

Chaîne en couleur de la cochenille.

Structo était une société américaine fondée en 1908 et qui fabriquait des jouets en métal. En 1921 ils ont commencé à fabriquer des petits métiers à tisser « jouets ».
Mary Meg Atwater, une figure bien connue dans le monde du tissage anglo-saxon, a écrit un manuel pour le Structo en 1930. Bertha Gray Hayes a utilisé le Structo pour réaliser ses motifs miniature en overshot.

Un petit métier à tisser de 20 cm de large avec 4 cadres.

Un petit métier à tisser de 20 cm de large avec 4 cadres.

Le métier est vraiment petit, mais avec le peigne qui fait 6 fils au cm et ses 4 cadres, il n’a rien d’un jouet ! Je regrette qu’il ne s’en fabrique plus, tellement il est agréable à utiliser et… à transporter !

Echelle avec un stylo

Echelle avec un stylo

Et pendant les poses, on découvre et on transforme le lait de brebis !  Merci à notre fournisseuse préférée de lait de brebis bio, qui s’est lancée depuis peu dans l’aventure agricole et fromagère avec ses 35 moutons !

Du beurre de brebis maison et du pain au levain maison

Du beurre de brebis maison et du pain au levain maison

Je ne savais pas qu’il était possible d’obtenir du beurre au lait de brebis avant d’en faire. Le beurre est délicieux, tout blanc, et très crémeux. Le lait de brebis a un goût plus doux que le lait de vache, j’ai pu en déguster du crû pour la première fois. Quant aux yaourts de brebis, c’est tout bonnement divin !

Teintures végétales

Enfin l’été est arrivé début août. C’est la période idéale pour faire des teintures végétales !

Voici quelques unes de mes récentes teintures, d’autres attendent encore dans leur bain que la couleur me convienne.

Teinture sur laine avec de la cochenille, l’une des rares teintures naturelles qui ne soit pas végétale, puisque la cochenille est un insecte. Je ne me lasse pas de la palette qu’il est possible d’obtenir avec la cochenille, en jouant sur les différents mordants, post-bains et pH du bain de teinture. On peut aller ainsi du violet à l’orange, en passant par le rouge et le cramoisi.

Différentes couleurs obtenues avec de la cochenille

La garance, avec la cochenille, est l’une de mes teinture favorite parce qu’elle offre une palette de couleurs vraiment intéressante. Plus difficile à réaliser que la cochenille, le bain de garance ne doit pas être trop chauffé pour révéler ses plus belles couleurs, il a également besoin d’une eau calcaire pour les rendre brillantes. Puisque j’ai une eau acide, je pallie à cela en mettant dans mon bain de teinture de la fleur de chaux. La garance fait partie de ces plantes qui teignent la laine à froid. C’est une erreur de penser qu’il faut absolument de la chaleur pour faire des teintures végétales. Je mordance également souvent à froid, en revanche il faut compter 2 à 3 jours de prise de teinture ou de mordançage dans ces cas-là.

Couleurs de la garance

Les belles couleurs de l’indigo, selon ma recette de teinture à la cuve donnée ici. Je rappelle que c’est la même recette pour une teinture avec du pastel.

Teinture d’indigo

L’écorce de bourdaine donne une couleur brillante que j’apprécie particulièrement sur de la soie ou du mohair, et qui n’est pas sans rappeler le vieil or. Malheureusement la photo a affadi les couleurs, en réalité plus fauves et lumineuses.

Écorce de bourdaine sur laine et soie.

La gaude (à droite) donne un jaune très vif. Comme la garance, la gaude a besoin d’une eau calcaire pour révéler sa couleur, et d’une température de chauffe peu élevée. Elle donne, à mon avis, de meilleurs résultats en teinture à froid. La camomille, à gauche, donne un jaune plus chaud.

A gauche, camomille des teinturiers sur coton et laine, à droite, gaude sur laine écrue et bise.

Et puis deux couleurs qui ne sont malheureusement pas grand teint, le bois rouge en haut, sur coton et soie, et la fleur de carthame en bas, sur coton et lin.

Bois rouge en haut, sur coton et soie. Fleurs de carthame en bas, sur coton et lin.

Je pense tisser toutes ces laines teintes, pour en faire des écharpes et peut-être des coussins…. quand j’aurais le temps :tongue1_tb:

En parlant de tissage,celui qui est en ce moment sur mon plus grand métier, des essuie-main en nid d’abeille, assortis à la couleur de ma cuisine.

Tissage nid d’abeille

Et puis dans les terminés, une écharpe aux couleurs de l’arc-en-ciel, en coton mercerisé, 14 fils au cm.

 

Tissage aux couleurs de l’arc-en-ciel

Sinon côté poules, deux petites nouvelles sont venues agrandir la famille au mois de juin, j’ai pu les avoir très jeunes (1 mois), ce qui leur a permis de bien vite s’adapter. Elle promettent déjà d’être bien pot-de-colle…

Poulettes Pékin gris perles

Je prévois de les marier avec mon coq Titi, puisque tous les 3 sont des pékins, de la même couleur, donc j’aurai des poussins en couleur pure. Titi dans toute sa splendeur, avec les plumes de sa queue qui rebiquent puissance 10, il doit s’en servir pour capter « TV poules » :mrgreen:

Titi le coq

Et voici une scène de la dure vie quotidienne des cocottes ici, âmes sensibles s’abstenir :king_tb:

Bain de soleil

Indigotier et pastel : teinture à la cuve

Du bleu, du bleu, du bleu, le pastel et l’indigotier sont les incontournables des teintures végétales, pour le bleu solide qu’ils procurent.:king_tb:

Ce sont deux plantes contenant de l’indigotine, un pigment bleu. Le Pastel, Isatis tinctoria, pousse dans toute l’Europe, tandis que l’on ignore l’origine de l’indigotier, indigofera tinctoria, plante des régions chaudes, parce que sa culture est trop ancienne (plus de 4000 ans !).

Je me suis d’abord entraînée à teindre avec l’indigo, avant d’oser essayer le précieux pastel.

Différence de tonalités entre indigo (en haut) et pastel (en bas). De gauche à droite : laine, mohair et soie.

Différentes fibres teintes avec de l’indigo : de gauche à droite coton, bambou et laine en bas. Puis mohair et alpaga au centre. Et enfin soie maubère, soie tussah et lin en haut.

Différentes fibres teintes avec du pastel : à l’extrême gauche, coton. Puis en haut, de gauche à droite : angora, alpaga, ramie (à l’extrême droite). En-dessous de gauche à droite : laine, mohair, soie maubère et protéine de lait (presque blanche, dernier bain de teinture quasimment épuisé).

La méthode de teinture avec l’indigo et le pastel, diffère de celle habituellement utilisée avec les autres teintures végétales. Ce sont des « colorants de cuve », et il n’est pas nécessaire de  mordancer la fibre. L’indigo (c’est à dire le pigment bleu, contenu dans l’indigotier et le pastel), sous sa forme en poudre, n’est pas soluble dans l’eau et ne peut donc imprégner les fibres.
La « cuve » consiste à « réduire » (à rendre soluble) l’indigo dans l’eau, en milieu anaérobie (sans air) et basique. Une fois réduit, l’indigo devient jaunâtre. On parle de  « cuve » parce qu’autrefois, on faisait cette opération dans une cuve en bois ou en émail, et non dans un chaudron en métal. Il n’y a pas besoin de chauffer à plus de 50°C la cuve de teinture. Une fois les fibres imprégnées de la solution d’indigo réduite, l’air en oxydant à nouveau l’indigo, révélera sa couleur bleue.

La procédure de teinture, sans être complexe, nécessite toute de même des précautions car elle fait intervenir des produits agressifs, l’hydrosulfite qui est un « réducteur », et la potasse, une « base ». Il est important de travailler avec des gants et des lunettes de protection, dans une pièce bien aérée.
Cependant, c’est si gratifiant de voir l’indigo, comme par « magie », s’oxyder à l’air et reprendre sa magnifique couleur bleue, que ces mises en garde ne doivent pas vous arrêter pour vous lancer à votre tour dans l’aventure.

Voici en images, la recette de la teinture à la cuve, ici avec du pastel, mais c’est rigoureusement la même chose avec l’indigo, qu’il soit naturel ou de synthèse. Cette méthode est un mix entre plusieurs que j’ai pu trouver dans des livres et sur internet, elle s’appuie essentiellement sur la méthode décrite par Dominique Cardon dans son ouvrage « le monde des teintures naturelles ».

Pour teindre environ 600 à 700 grammes de fibres, vous aurez besoin de :

  • 2 pots en verre avec leur couvercle
  • 1 grand récipient de 5 à 10 litres en émail ou inox
  • 10 grammes d’indigo ou de pastel
  • 10 grammes d’hydrosulfite
  • 20 grammes de carbonate de potassium, ou carbonate de soude
  • un peu d’alcool (à brûler par exemple) pour diluer la poudre
  • de l’eau chauffée à 50°C
  • sans oublier de vous protéger avec des gants et des lunettes, et de travailler dans un local aéré.

Recette :

Dans le premier bocal destiné à la « cuve-mère », diluez 10 grammes de pastel avec un peu d’alcool à brûler. Le mélange doit être bien homogène.
Dans le deuxième bocal rempli d’eau à 50°C (l’eau devra pouvoir remplir le premier bocal, n’en mettez donc pas trop), diluez 20 grammes de carbonate de potasse (versez TOUJOURS le carbonate de potasse dans l’eau, jamais l’inverse) et 10 gramme d’hydrosulfite. Mélangez puis fermez ce bocal et attendez 10 mn le temps que l’hydrosulfite supprime l’air contenu dans l’eau.

Versez ensuite le bocal contenant l’eau additionnée de potasse et d’hydrosulfite, dans le bocal de la « cuve-mère ». Fermez et laissez « agir » la préparation en la maintenant à 50°C. Le pastel va amorcer sa solubilisation dans l’eau…

Pendant ce temps-là, profitez-en pour faire tremper vos fibres, écheveau, tissu… dans de l’eau chaude additionnée de liquide vaisselle, lessive…

Préparez également votre bain de teinture. Remplir le grand récipient d’eau, ajoutez-y un peu d’hydrosulfite, et amenez l’eau à 50°C. Attendre 10 mn que celui-ci ait supprimé l’oxygène. Maintenez la température.

Au bout d’environ 30 mn, le pastel est réduit. Le liquide est devenu jaune-verdâtre, une pellicule s’est formée sur le dessus, et une odeur bien particulière s’en dégage.

Versez doucement tout ou partie de la « cuve-mère » dans le bain de teinture en évitant de faire des bulles. Le liquide doit être jaunâtre et translucide, signe que le pastel (ou l’indigo) est sous sa forme réduite, et donc soluble.

Et c’est là qu’on commence vraiment à s’éclater. Trempez délicatement les fibres humides dans ce bain de teinture en évitant de faire des bulles. Laissez-les patauger et s’imbiber de pastel pendant 5 à 10 mn.

Retirez-les du bain de teinture délicatement, essorez.

Immédiatement, sous l’action de l’air, la couleur passe du jaune au bleu.

Laissez égoutter et admirez la couleur qui vire. Puis rincez dans de l’eau additionnée de vinaigre pour neutraliser l’alcalinité.

Vous pouvez utiliser votre bain plusieurs fois, jusqu’à ce qu’il soit épuisé et qu’il ne teigne pratiquement plus. Entre chaque fournée, je saupoudre la surface de l’eau d’un peu d’hydrosulfite, pour m’assurer d’avoir toujours un milieu exempt d’air.

C’est comme cela qu’avec 10 grammes de la précieuse poudre de pastel, je me retrouve à la tête d’à peu près 600 gr de fibres teintes dans un bleu divin : mérinos, mohair, soie, coton, alpaga, ramie, angora et même protéines de lait.

C’est un choix délibéré pour moi de teindre en toison. Mais vous pouvez parfaitement teindre de la laine déjà filée, et même du tissu (écharpe en soie, tissu de coton, lin, laine…)

On teint en Europe avec le pastel depuis le néolithique, en Egypte depuis les pharaons. L’indigo, synthétisé en 1878, donne sa couleur aux jeans. Avant l’invention de l’hydrosulfite en 1871, on faisait des cuves d’indigo ou de pastel par fermentation, le processus durait plusieurs jours.

Pendant ce temps-là, profitez-en pour faire tremper vos fibres, écheveau, tissu… dans de l’eau chaude additionnée de liquide vaisselle, lessive…

Préparez également votre « cuve » de teinture. Remplir le grand récipient d’eau, ajoutez-y un peu d’hydrosulfite, et amenez l’eau à 50°C.