Teintures végétales

Enfin l’été est arrivé début août. C’est la période idéale pour faire des teintures végétales !

Voici quelques unes de mes récentes teintures, d’autres attendent encore dans leur bain que la couleur me convienne.

Teinture sur laine avec de la cochenille, l’une des rares teintures naturelles qui ne soit pas végétale, puisque la cochenille est un insecte. Je ne me lasse pas de la palette qu’il est possible d’obtenir avec la cochenille, en jouant sur les différents mordants, post-bains et pH du bain de teinture. On peut aller ainsi du violet à l’orange, en passant par le rouge et le cramoisi.

Différentes couleurs obtenues avec de la cochenille

La garance, avec la cochenille, est l’une de mes teinture favorite parce qu’elle offre une palette de couleurs vraiment intéressante. Plus difficile à réaliser que la cochenille, le bain de garance ne doit pas être trop chauffé pour révéler ses plus belles couleurs, il a également besoin d’une eau calcaire pour les rendre brillantes. Puisque j’ai une eau acide, je pallie à cela en mettant dans mon bain de teinture de la fleur de chaux. La garance fait partie de ces plantes qui teignent la laine à froid. C’est une erreur de penser qu’il faut absolument de la chaleur pour faire des teintures végétales. Je mordance également souvent à froid, en revanche il faut compter 2 à 3 jours de prise de teinture ou de mordançage dans ces cas-là.

Couleurs de la garance

Les belles couleurs de l’indigo, selon ma recette de teinture à la cuve donnée ici. Je rappelle que c’est la même recette pour une teinture avec du pastel.

Teinture d’indigo

L’écorce de bourdaine donne une couleur brillante que j’apprécie particulièrement sur de la soie ou du mohair, et qui n’est pas sans rappeler le vieil or. Malheureusement la photo a affadi les couleurs, en réalité plus fauves et lumineuses.

Écorce de bourdaine sur laine et soie.

La gaude (à droite) donne un jaune très vif. Comme la garance, la gaude a besoin d’une eau calcaire pour révéler sa couleur, et d’une température de chauffe peu élevée. Elle donne, à mon avis, de meilleurs résultats en teinture à froid. La camomille, à gauche, donne un jaune plus chaud.

A gauche, camomille des teinturiers sur coton et laine, à droite, gaude sur laine écrue et bise.

Et puis deux couleurs qui ne sont malheureusement pas grand teint, le bois rouge en haut, sur coton et soie, et la fleur de carthame en bas, sur coton et lin.

Bois rouge en haut, sur coton et soie. Fleurs de carthame en bas, sur coton et lin.

Je pense tisser toutes ces laines teintes, pour en faire des écharpes et peut-être des coussins…. quand j’aurais le temps :tongue1_tb:

En parlant de tissage,celui qui est en ce moment sur mon plus grand métier, des essuie-main en nid d’abeille, assortis à la couleur de ma cuisine.

Tissage nid d’abeille

Et puis dans les terminés, une écharpe aux couleurs de l’arc-en-ciel, en coton mercerisé, 14 fils au cm.

 

Tissage aux couleurs de l’arc-en-ciel

Sinon côté poules, deux petites nouvelles sont venues agrandir la famille au mois de juin, j’ai pu les avoir très jeunes (1 mois), ce qui leur a permis de bien vite s’adapter. Elle promettent déjà d’être bien pot-de-colle…

Poulettes Pékin gris perles

Je prévois de les marier avec mon coq Titi, puisque tous les 3 sont des pékins, de la même couleur, donc j’aurai des poussins en couleur pure. Titi dans toute sa splendeur, avec les plumes de sa queue qui rebiquent puissance 10, il doit s’en servir pour capter « TV poules » :mrgreen:

Titi le coq

Et voici une scène de la dure vie quotidienne des cocottes ici, âmes sensibles s’abstenir :king_tb:

Bain de soleil

Et finalement, du tissage

Bon c’est pas le tout de parler poulettes et de jouer à l’apprentie fermière, j’ai quand même tissé un peu ces derniers mois…  :rolleyes_tb:

D’abord, à cause de Laurence des laines Zinzin, qui en quelques mots bien choisis a su titiller ma fibre curieuse, j’ai adopté un troisième métier à tisser, un Piccolo de chez Saori :

Métier à tisser Piccolo de Saori

C’est un métier japonais, il est tout petit mais fait tout comme un grand. Il se plie, est tout léger, prend peu de place et est très simple d’utilisation, d’autant qu’il existe des chaînes pré-ourdies qu’il n’y a plus qu’à installer sur le métier pour s’en servir, gain de temps, et quand on sait que l’ourdissage est le plus délicat dans le tissage, c’est la réussite assurée !

Il possède deux cadres et ce que je trouve vraiment pratique, c’est qu’il a des pédales, le tissage se fait facilement et confortablement (quand on a goûté aux pédales qui lèvent les cadres, on trouve plus fastidieux de le faire à la main, même avec deux cadres). C’est un vrai métier à tisser, il a des lisses et un peigne en acier comme ses grands frères. Bref, un petit métier qu’on peut emporter partout, et idéal pour tisser les fils faits-mains.

Les couleurs de Léo

J’ai commencé par tisser un fil mohair, qu’une amie, Léo, m’avait offert lorsque l’on s’est rencontrées au printemps dernier. Léo est une magicienne des couleurs végétales, elle pratique la teinture par fermentation et obtient des couleurs époustouflantes. Ici vous pouvez voir les couleurs qu’elle a obtenue avec du sureau yèble, oui oui toutes ces nuances sont obtenues avec une seule plante, quand je vous dis que c’est une magicienne ! C’est le mohair de ses biquettes, que j’ai filé un peu fantaisie et retordu avec une soie très fine. Seul un tissage tout simple pouvait rendre la beauté de la matière et des couleurs.

Et voici le résultat.

Mohair de Léo tissée

Sur ma lancée j’ai continué à tisser quelques petites écharpes en laine fantaisie. Dont celle-ci, la laine de couleur est filée main, j’avais fait de très forts « zigouigouis » et l’armure toile une fois encore, met très bien en relief cet aspect. J’ai alterné avec un fil de coton noir tout sage, et cela me titillait depuis un moment d’intégrer des grelots directement dans ma trame de tissage, voilà c’est fait ! C’est donc une écharpe tintinabulante… :tongue1_tb:

Echarpe arc-en-ciel et grelots

J’ai également tissé deux étoles pour une amie, Ygaëlle, avec sa laine filée main. Elle a réalisé un magnifique dégradé dans son fil.

Etoles pour Ygaëlle

Le dernier tissage en date sur mon petit Saori, est un essai de tissage dit « à effet de trame », c’est à dire où l’on ne voit pas du tout la chaîne. Cela permet d’obtenir des motifs avec seulement deux cadres (ou un métier à peigne envergeur). Le plus difficile dans ce type de tissage, est de trouver le bon rapport entre la grosseur du fil de chaîne, de la trame et l’écartement des fils. Voici la recette pour ce tissage : du coton pour chaîne fin, de la soie 20/2 et 4 fils au cm. Il faut bien passer le fil en biais dans la foule, et peut-être, avec un métier à peigne envergeur, tasser le travail avec un peigne.

Tissage à effet de trame

La réalisation est assez longue, mais le résultat est magnifique avec de la soie. Je pourrais aussi utiliser du coton ou de la laine, le résultat serait différent, encore des tests à réaliser…

Effet de trame, détail

N’ayant d’abord qu’un peigne de 5 fils/cm sur mon Saori, je n’ai pas pu obtenir l’effet de trame désiré. En attendant de faire des essais avec 4 fils/cm, je me suis amusée à tester le leno. C’est une technique où l’on manipule les fils de chaîne pour créer des jours dans le tissage. Ici en chaîne, le coton fin, et en trame de la soie tussah 8/2 qui rend vraiment bien avec le coton.

A nouveau ce que l’on peut réaliser sur un métier Saori, on peut le réaliser avec un métier à peigne envergeur comme le Harp.

Leno, détail

J’ai aussi réalisé d’autres tissages sur mon grand métier à tisser, j’en parlerai dans un prochain billet !

Indigotier et pastel : teinture à la cuve

Du bleu, du bleu, du bleu, le pastel et l’indigotier sont les incontournables des teintures végétales, pour le bleu solide qu’ils procurent.:king_tb:

Ce sont deux plantes contenant de l’indigotine, un pigment bleu. Le Pastel, Isatis tinctoria, pousse dans toute l’Europe, tandis que l’on ignore l’origine de l’indigotier, indigofera tinctoria, plante des régions chaudes, parce que sa culture est trop ancienne (plus de 4000 ans !).

Je me suis d’abord entraînée à teindre avec l’indigo, avant d’oser essayer le précieux pastel.

Différence de tonalités entre indigo (en haut) et pastel (en bas). De gauche à droite : laine, mohair et soie.

Différentes fibres teintes avec de l’indigo : de gauche à droite coton, bambou et laine en bas. Puis mohair et alpaga au centre. Et enfin soie maubère, soie tussah et lin en haut.

Différentes fibres teintes avec du pastel : à l’extrême gauche, coton. Puis en haut, de gauche à droite : angora, alpaga, ramie (à l’extrême droite). En-dessous de gauche à droite : laine, mohair, soie maubère et protéine de lait (presque blanche, dernier bain de teinture quasimment épuisé).

La méthode de teinture avec l’indigo et le pastel, diffère de celle habituellement utilisée avec les autres teintures végétales. Ce sont des « colorants de cuve », et il n’est pas nécessaire de  mordancer la fibre. L’indigo (c’est à dire le pigment bleu, contenu dans l’indigotier et le pastel), sous sa forme en poudre, n’est pas soluble dans l’eau et ne peut donc imprégner les fibres.
La « cuve » consiste à « réduire » (à rendre soluble) l’indigo dans l’eau, en milieu anaérobie (sans air) et basique. Une fois réduit, l’indigo devient jaunâtre. On parle de  « cuve » parce qu’autrefois, on faisait cette opération dans une cuve en bois ou en émail, et non dans un chaudron en métal. Il n’y a pas besoin de chauffer à plus de 50°C la cuve de teinture. Une fois les fibres imprégnées de la solution d’indigo réduite, l’air en oxydant à nouveau l’indigo, révélera sa couleur bleue.

La procédure de teinture, sans être complexe, nécessite toute de même des précautions car elle fait intervenir des produits agressifs, l’hydrosulfite qui est un « réducteur », et la potasse, une « base ». Il est important de travailler avec des gants et des lunettes de protection, dans une pièce bien aérée.
Cependant, c’est si gratifiant de voir l’indigo, comme par « magie », s’oxyder à l’air et reprendre sa magnifique couleur bleue, que ces mises en garde ne doivent pas vous arrêter pour vous lancer à votre tour dans l’aventure.

Voici en images, la recette de la teinture à la cuve, ici avec du pastel, mais c’est rigoureusement la même chose avec l’indigo, qu’il soit naturel ou de synthèse. Cette méthode est un mix entre plusieurs que j’ai pu trouver dans des livres et sur internet, elle s’appuie essentiellement sur la méthode décrite par Dominique Cardon dans son ouvrage « le monde des teintures naturelles ».

Pour teindre environ 600 à 700 grammes de fibres, vous aurez besoin de :

  • 2 pots en verre avec leur couvercle
  • 1 grand récipient de 5 à 10 litres en émail ou inox
  • 10 grammes d’indigo ou de pastel
  • 10 grammes d’hydrosulfite
  • 20 grammes de carbonate de potassium, ou carbonate de soude
  • un peu d’alcool (à brûler par exemple) pour diluer la poudre
  • de l’eau chauffée à 50°C
  • sans oublier de vous protéger avec des gants et des lunettes, et de travailler dans un local aéré.

Recette :

Dans le premier bocal destiné à la « cuve-mère », diluez 10 grammes de pastel avec un peu d’alcool à brûler. Le mélange doit être bien homogène.
Dans le deuxième bocal rempli d’eau à 50°C (l’eau devra pouvoir remplir le premier bocal, n’en mettez donc pas trop), diluez 20 grammes de carbonate de potasse (versez TOUJOURS le carbonate de potasse dans l’eau, jamais l’inverse) et 10 gramme d’hydrosulfite. Mélangez puis fermez ce bocal et attendez 10 mn le temps que l’hydrosulfite supprime l’air contenu dans l’eau.

Versez ensuite le bocal contenant l’eau additionnée de potasse et d’hydrosulfite, dans le bocal de la « cuve-mère ». Fermez et laissez « agir » la préparation en la maintenant à 50°C. Le pastel va amorcer sa solubilisation dans l’eau…

Pendant ce temps-là, profitez-en pour faire tremper vos fibres, écheveau, tissu… dans de l’eau chaude additionnée de liquide vaisselle, lessive…

Préparez également votre bain de teinture. Remplir le grand récipient d’eau, ajoutez-y un peu d’hydrosulfite, et amenez l’eau à 50°C. Attendre 10 mn que celui-ci ait supprimé l’oxygène. Maintenez la température.

Au bout d’environ 30 mn, le pastel est réduit. Le liquide est devenu jaune-verdâtre, une pellicule s’est formée sur le dessus, et une odeur bien particulière s’en dégage.

Versez doucement tout ou partie de la « cuve-mère » dans le bain de teinture en évitant de faire des bulles. Le liquide doit être jaunâtre et translucide, signe que le pastel (ou l’indigo) est sous sa forme réduite, et donc soluble.

Et c’est là qu’on commence vraiment à s’éclater. Trempez délicatement les fibres humides dans ce bain de teinture en évitant de faire des bulles. Laissez-les patauger et s’imbiber de pastel pendant 5 à 10 mn.

Retirez-les du bain de teinture délicatement, essorez.

Immédiatement, sous l’action de l’air, la couleur passe du jaune au bleu.

Laissez égoutter et admirez la couleur qui vire. Puis rincez dans de l’eau additionnée de vinaigre pour neutraliser l’alcalinité.

Vous pouvez utiliser votre bain plusieurs fois, jusqu’à ce qu’il soit épuisé et qu’il ne teigne pratiquement plus. Entre chaque fournée, je saupoudre la surface de l’eau d’un peu d’hydrosulfite, pour m’assurer d’avoir toujours un milieu exempt d’air.

C’est comme cela qu’avec 10 grammes de la précieuse poudre de pastel, je me retrouve à la tête d’à peu près 600 gr de fibres teintes dans un bleu divin : mérinos, mohair, soie, coton, alpaga, ramie, angora et même protéines de lait.

C’est un choix délibéré pour moi de teindre en toison. Mais vous pouvez parfaitement teindre de la laine déjà filée, et même du tissu (écharpe en soie, tissu de coton, lin, laine…)

On teint en Europe avec le pastel depuis le néolithique, en Egypte depuis les pharaons. L’indigo, synthétisé en 1878, donne sa couleur aux jeans. Avant l’invention de l’hydrosulfite en 1871, on faisait des cuves d’indigo ou de pastel par fermentation, le processus durait plusieurs jours.

Pendant ce temps-là, profitez-en pour faire tremper vos fibres, écheveau, tissu… dans de l’eau chaude additionnée de liquide vaisselle, lessive…

Préparez également votre « cuve » de teinture. Remplir le grand récipient d’eau, ajoutez-y un peu d’hydrosulfite, et amenez l’eau à 50°C.