Le blé ancien, suite

Petanielle noire de Nice (blé ancien), planche Vilmorin 1880

Petanielle noire de Nice (blé ancien), planche Vilmorin 1880

Mon article sur le blé ancien a suscité bien des réactions ici et en privé et je suis contente de savoir qu’il trouve un écho parmi vous.  Certains m’ont fait part de leur projet de s’installer comme paysan-boulanger, pour cultiver et transformer du blé ancien, d’autres de leur choix de ne plus vouloir consommer du blé moderne. D’autres encore m’ont appris des informations que j’ignorais, à savoir que l’épeautre (Triticum spelta) que l’on dit être une céréale ancienne, a été fortement modifiée depuis les années 1990 afin d’augmenter son rendement, ce qui fait qu’il n’est plus une alternative valable au blé moderne puisque lui aussi contient du gluten à chaînes longues, peu digeste.
J’ai trouvé ces échanges très enrichissants et je vous en remercie. Je reste toujours ouverte à vos réactions.

Beaucoup d’entre vous souhaitent changer leur alimentation et en particulier passer au blé ancien, souvent pour des raisons de santé, mais aussi par choix de vie. Malheureusement les variétés qui ne sont pas inscrites au catalogue officiel sont interdites à la vente. Or les blés anciens sont souvent cultivés en population et ne sont donc pas toujours reproductibles, ils ne sont pas inscrits au catalogue.
Pourtant la non reproductibilité d’une plante est un atout pour son adaptation à un terroir et à un milieu, mais bien sûr c’est un handicap dans notre société normalisée où nous avons besoin de connaître précisément le taux de protéines d’un blé en vue de le transformer en pain. Il n’y a pas deux poids et deux mesures, le petit boulanger qui sait encore faire du vrai pain et s’adapter à sa farine n’est pas reconnu et est en voie de disparition, ainsi que les variétés anciennes de blé pourtant plus goûteuses et plus nourrissantes.

C’est à nous de nous prendre en main si nous voulons changer cela.

Nous sommes dans une société en apparence faite de choix et d’abondance, mais en réalité quand on décide de notre alimentation, on se rends vite compte que c’est une chimère. Trouver des semences de blé ancien à cultiver ou bien de la farine relève de la gageure. Alors à la question « où trouver de la farine de blé ancien ? » je réponds qu’en dehors de mon secteur, je n’en sais rien.

De plus en plus de paysans se mettent à la vente directe, qui est plus valorisante et plus rémunératrice que la filière classique. C’est ainsi que beaucoup investissent dans un moulin à meule de pierre et proposent leur farine. Il y a forcément un agriculteur qui vend sa farine en direct près de chez vous. Demandez-lui quelle variété de froment il utilise, et si elle n’est pas antérieure à 1950, parlez-lui des variétés anciennes, plus rustiques, et dont le rendement est plus élevé en agriculture biologique que les blés modernes (sélectionnés pour pousser à grand renfort d’engrais et de pesticides).
Faites fonctionner le bouche-à-oreille du milieu paysan ou alternatif, peut-être apprendrez-vous, tout comme moi, qu’un petit paysan de votre secteur cultive du blé ancien. Certains meuniers vendent leurs farines de blés anciens ou dits « de population » sur internet.

Amidonnier noir (ou Emmer)

Amidonnier noir (ou Emmer)

Ce printemps chez Kokopelli on pouvait trouver quelques semences de variétés de blé ancien, le blé de Banat, l’engrain noir et le meunier d’Apt, parrainés par quelques amateurs. Ces 3 variétés sont épuisées à l’heure où je rédige cet article. Biaugerme propose du blé rouge de Bordeau et on trouve quelques variétés chez Graines del Pais (blé Bladette de Puylaurens et blé des Vosges).
L’INRA dispose de beaucoup de variétés dans ses réfrigérateurs mais il faut être agriculteur pour pouvoir en obtenir « à titre expérimental ».

Quoi qu’il en soit la souveraineté alimentaire est un droit pour lequel nous devons tous nous battre, que ça soit dans les pays pauvres comme dans les pays développés.

Si tout comme moi vous êtes fasciné par la biodiversité des blés, je vous renvoie sur le site d’Agropolis-Museum, qui met gratuitement à disposition la version numérique d’un livre Vilmorin de 1880 :  « les meilleurs blés« .

Pâtée pour poussins (à la place des granulés)

Je l’ai déjà écrit, je ne nourris pas mes poules et mes poussins avec des aliments tout prêts du commerce. Pour les adultes, je donne ma recette ici.

Pour les poussins, influencée par les idées dominantes du moment, j’ai quand même douté d’être capable d’arriver à les nourrir « moi-même » sans l’atèle de l’industrie.

C’est le « mémento agricole », daté de 1923, qui m’a aidé à franchir le pas :

La première nourriture à distribuer aux jeunes poussins, âgés de 36 heures au moins, est à base de mie de pain rassis, mélangé à des œufs cuits durs, le tout finement émietté. On leur ajoute des verdures hachées très fins, principalement des orties et de la laitue. De temps à autre, on jette quelques grains de millet, pour inciter les petits poussins à prendre un exercice salutaire.

La lecture de forums spécialisés m’a aussi aidée à peaufiner une recette qui me convient, et qui convient aux poussins. Voici donc une recette de pâtée « premier âge » pour poussins !

Des orties hâchées finement.

Des orties hâchées finement.

Des coquilles d'oeufs broyées

Des coquilles d’oeufs broyées

Des oeufs cuits dur coupés en petits bouts

Des oeufs cuits dur coupés en petits bouts

De la biscotte ou du pain émietté

De la biscotte ou du pain émietté

On mélange tout et on ajoute de la semoule cuite.

On mélange tout et on ajoute de la semoule cuite.

L’ensemble doit former des miettes qui ne collent pas.

Le repas des poussins

Le repas des poussins

Les poussins ont de l’eau toujours propre à disposition, ainsi que du sable à volonté. Le sable est important pour eux, d’abord parce qu’il leur permet de broyer les aliments. Ensuite parce que cela limite la prolifération des coccidies, une des principales cause de mortalité.

Il faut bien veiller à ce que tout soit haché finement, si c’est trop grossier, leurs petits becs ne pourront pas prendre la nourriture. Je donne cette pâtée environ 10 à 15 jours, comme cela m’arrange. Et puis au fur et à mesure que les poussins grandissent, je remplace la semoule par du boulgour, du riz, du pain imbibé. Et j’ajoute des couennes de fromage, des petits bouts de viande, enfin tout ce qui me passe sous la main et qui soit un restant de nos repas. Et en général au bout de 15 jours à 3 semaines ils mangent la même pâtée que celle que je prépare pour les adultes. C’est leur nourriture principale pendant quelques mois, avec du blé et des graines variées. Là où les adultes n’ont qu’une fois par jour cette pâtée, les jeunes en ont 3 à 4 fois par jour, et je diminue au fil du temps. De toute façon, ils se régulent d’eux-même. La part d’inné est très forte chez les poules et les poussins ont déjà les réflexes des adultes dès la naissance, mis à part leur besoin en chaleur, ils sont relativement autonomes.

Cette année j’en suis à 19 jeunes d’âges variés (de 3 mois à 5 jours), essentiellement des Meusienne, et j’attends encore quelques éclosions pour la fin de cette semaine.

Une recette… pour les poules !

Contrairement aux idées reçues, les poules ne sont pas uniquement granivores, et leur donner seulement du blé n’est pas suffisant pour qu’elles vous offrent de délicieux œufs au beau jaune bien intense.

En haut œufs de Meusienne, en bas œuf de Pékin.

En haut œufs de Meusienne (grande race), en bas œuf de Pékin (naine).

Un parcours herbeux est vraiment important pour elles, et puis c’est un spectacle superbe que de les voir gambader dans l’herbe verte (enfin moi je ne m’en lasse pas, surtout que la cuisine donne sur le jardin alors c’est un peu notre télévision à nous 🙂 ). Elles apprécient réellement cette liberté, ce ne sont pas des « tubes » qui ne ressentent rien, et elles n’ont jamais cherché à aller voir ailleurs si l’herbe était plus verte (en même temps on s’est quand même arrangés pour qu’elles n’aillent pas visiter le jardin des voisins ; mais côté rivière, il n’y a aucune clôture).

La troupe au complet

La troupe au complet

Et les poules sont bien plus intelligentes que ce que j’entends souvent dire, pour peu qu’on prenne la peine de les élever en leur permettant de vivre leur vie de poule (espace, propreté, absence de stress). Elles trouvent au jardin ce qui leur manque dans le blé, les petits cailloux pour broyer les graines dans leur gésier, les petits invertébrés et insectes pour les protéines, les feuilles de choux et de salade (ahem), l’herbe (qu’elles consomment beaucoup) et tout un tas d’autres petites bricoles comme des graines.

L’avantage de les élever en liberté c’est qu’on n’a pas à se soucier de leur ration alimentaire, elles se débrouillent toutes seules. Du blé (ou mieux du triticale) à volonté, de l’eau propre et le jardin (avec des zones ombragées et à l’abri des prédateurs du ciel), suffisent à leur vie de poule.

En revanche, leur donner régulièrement une pâtée maison, au lieu des granulés « pondeuse », est un gros plus à plusieurs points de vue. D’abord, cela permet de recycler les restes des repas, car une poule c’est incroyablement omnivore ! Ensuite, c’est bien pratique pour les faire rentrer au poulailler le soir. Elles rentreraient seules sans cela aussi, mais à la nuit tombée seulement. Je préfère les rentrer dans leur volière sécurisée environ 1 h avant le coucher du soleil, pour limiter les risques de prédation, et ça leur laisse le temps de se remplir le jabot avant d’aller rentrer se percher pour la nuit.

La volière protégée.

La volière protégée.

Dans mes souvenirs d’enfance, je me rappelle des pâtées que ma grand-mère préparait pour ses poules. Un mélange de restes de repas et de « polente » (maïs, à prononcer avec l’accent un peu suisse), qu’elle cuisait il me semble assez longtemps. Le maïs n’est pas l’idéal pour les poules, ça les fait engraisser, c’est un peu notre chocolat à nous. Je ne leur en donne jamais.

Voici donc ma recette de pâtée pour les poules, dans laquelle je recycle tous les restes de repas. Je la distribue le soir juste au moment de les rentrer dans leur parcours, ce n’est donc pas leur nourriture principale. J’en prépare une certaine quantité d’avance, pour être tranquille 2-3 jours.

Ce n’est pas systématique, mais je met souvent des coquilles d’œufs écrasées. Cela leur apporte du calcium nécessaire à la fabrication de la coquille des œufs.

Je commence par mettre des coquilles d'oeuf.

Coquilles d’œufs

Je leur met tous les bouts de viande qu’on ne consomme pas car gras, avec de l’aponévrose (membrane fibreuse), la peau, les abats, têtes de poisson etc… toujours cuit, jamais crû.

Puis des petits bouts de viande que nous ne consommons pas.

Bouts de viande coupés en dés

Elles raffolent également des couennes de fromage…

Eventuellement aussi des couennes de fromage.

Couennes de fromage

Je met du pain sec quand j’en ai, que je trempe dans de l’eau pour l’humidifier. J’ai pris  l’habitude de faire chauffer le tout au micro-onde quelques minutes, comme ça le pain est bien imbibé et la pâtée est tiède. Quand j’ai des restants de graisse de cuisson je les mélange à ce moment-là avec le pain.

Du pain trempé dans l'eau, et réchauffé. J'y met aussi parfois de la graisse quand j'en ai.

Pain trempé

Et enfin en cas de froid il m’arrive de compléter ces restes avec éventuellement du boulgour cuit, ou comme ici un mélange boulgour et riz cuit (un peu ferme, pas en bouillie). C’est une recette pour l’hiver, à ne pas donner toute l’année ni tous les jours car elle est très riche.

J'ajoute riz ou boulgour, ou comme ici les deux. Je mélange tout voilà !

Boulgour et riz.

Je mélange le tout, ça fait un peu « ragougnasse » mais ça ne semble pas déranger les poules. Elles n’aiment pas une pâtée trop liquide (qui colle sur leur bec), ni trop sèche.

Voilà ma recette, je peux vous dire qu’elle est appréciée ! Si j’ai des restants de légumes un peu vieux je les met aussi. Parfois du petit lait, du yaourt ou des fromages qui ont mal vieilli. Vous aurez peut-être noté que je n’ai pas mis de verdure dans la pâtée. C’est parce qu’elles boudent les légumes que je leur met, c’est tellement mieux d’aller manger les feuilles de choux fraiches… 🙄 Ou éventuellement d’aller faire son petit marché directement sur le tas de compost où sont justement les épluchures de légumes 🙂
Bien sûr, si vos poules n’ont pas accès à un parcours herbeux, il vous faudra compenser en ajoutant à la pâtée les épluchures cuites de vos légumes (sauf pommes de terre à cause de la solanine).

Lorsque la lumière commence à baisser, les poules se rapprochent de la maison, et il n’est pas rare qu’elles montent sur le rebord de la fenêtre de la cuisine pour me regarder préparer leur pâtée…

Pendant ce temps-là, de l'autre côté de la fenêtre, il y en a qui n'en perdent pas une miette....

Un coq très intéressé par ce que je fais !

Je sers la pâtée dans des écuelles pour chien, j’en disperse plusieurs au poulailler pour que tout le monde puisse manger à sa faim et sans disputes (les dominants ayant tendance à monopoliser la gamelle s’il n’y en a qu’une).

Servez...

Servez…

Et c’est englouti très vite !

Dégustez !

Dégustez !