Visite d’une collection de blés anciens

Je vous ai déjà parlé des blés anciens ici et de mon intérêt pour ceux-ci.

En juin de cette année j’ai eu l’occasion de visiter la collection de blés anciens de la Ferme du Hayon en Belgique, qui présentait à l’occasion du forum international sur les semences qu’elle accueillait, environ 90 micro-parcelles de variétés provenant des 4 coins de l’Europe.

Micro-parcelles de blés anciens

Fin 2004 en Belgique Marc de la Ferme de Hayon et d’autres acteurs de la filière blé (meunier, boulanger…), ont créés le réseau Li Mestère dans le but de promouvoir les variétés paysannes de céréales. C’est grâce à ce réseau que j’ai pu visiter les parcelles de Marc Van Overschelde en juin dernier. Je connaissais déjà la Ferme du Hayon où je m’approvisionne en blé ancien, huile, fromage, cidre, pommes de terre. C’est l’automne dernier lorsque j’ai fait part à Marc de mon désir de voir un jour les blés anciens sur pied, qu’il m’a orienté vers Li Mestère et informé d’une visite possible de ses parcelles de blés l’été suivant.

Blés de population

Marc cultive en agriculture biologique depuis ses débuts. Lorsqu’il a testé les blés de population que Jean-François Berthelot (un « célèbre » paysan-boulanger français) lui a fourni en 2009, il n’a plus du tout eu envie de retourner aux variétés modernes ! Moins malades, plus résistants et d’un rendement moyen assuré quelques soient les années (parce que cultivés en population), en plus d’êtres beaux, ces blés l’ont tout de suite séduits, au point d’avoir envie d’aller un peu plus loin et de tester d’autres variétés (en particulier les blés poulards).

J’ai trouvé intéressant le fait de savoir que sur la cinquantaine de variétés dans la population provenant de JF Berthelot (sud de la France), une trentaine s’est adaptée aux conditions de la Gaume belge.

Semis basse-densité

Marc a testé cette année le semis basse densité, de façon à permettre aux plantes de taller un maximum, et d’êtres plus résistants à la verse. Je le cite :

Dans un champ, le pire ennemi du blé, c’est… le blé !

Un semis à faible densité permet à chaque plant de blé de croître dans des conditions plus propices, permettant un meilleur développement de son appareil végétatif et, in fine, de son grain.

Un meilleur enracinement permettrait également un grain plus riche en éléments nutritifs (mesure que l’on souhaite contrôler).

Un plant plus robuste est un plant plus résistant à la verse, aux maladies, aux ravageurs…

En contrepartie, il y a des adventices (vulgairement des « mauvaises herbes »), mais elles ne semblent pas poser problèmes. Tous ces blés ont été semés début septembre 2016, sur des micro-parcelles de 15 ou 30 m de long sur 1,20 m de large. Chaque grain a été déposés dans 1 ligne tous les 15 cm, sur 4 lignes espacées de 30 cm, avec au centre 45 cm pour le passage de roues.

Voici donc quelques photos de variétés anciennes de froment, poulard, blé dur et autre amidonnier. A cette époque de l’année (24 juin) ces blés sont encore plutôt verts, c’est en juillet qu’ils prendront leurs belles colorations typiques. Mais on devine déjà pour certains qu’ils auront de belles couleurs.

Blanc de Lorraine

Je connaissais la race de mouton « roux des Ardennes », je découvre le blé roux des Ardennes !

Blé roux des ardennes

Une variété de blé rouge

Je découvre également qu’il existe une variété de blé typique à la région où je vis, il va vraiment falloir que je puisse en avoir pour le semer ici. J’ai maintenant la place nécessaire qui va me permettre de réaliser ce rêve un peu fou de semer une petite parcelle de blé ancien 🙂

Blé d’Argonne

Mes variétés préférées sur le plan esthétique sont les amidonniers :

Amidonnier emmer noir

Amidonnier rouge et noir

Et sur le plan gustatif, l’engrain est vraiment délicieux, je ne savais pas qu’il en existait aussi plusieurs variétés (j’aurai dû m’en douter, la nature est si riche)

Engrain

Engrain rouge

La biodiversité des froments et blés dur est vraiment étonnante. Il y a des blés barbus ou non, des blés à 2 rangs (l’engrain), 4 rangs et 6 rangs. Des blés rouges, blancs, noirs, des courts et des plus hauts. Certains ont des épis droits, d’autres en forme de crosse, certains ont des épis plutôt courts et trapus, d’autres longs et élancés. Bref de la diversité comme je regrette de ne pas en voir davantage….

Les conclusions de Marc concernant les variétés donnant la meilleure réponse au semis faible densité, sont que 4 variétés-populations sortent vraiment du lot, les personnes présentes ont pu le constater d’ailleurs : blanc de Lorraine, blé d’Alsace, Champagne barbu, ardennais. Toutes 4 sont des variétés sélectionnées dans des régions voisines, finalement, la surprise c’est qu’il n’y en a pas 😉

Et pour terminer sur cette belle visite, deux images qui résument tout à elles seules…

Hauteur des blés anciens

Parcelle de blés modernes

Pour rester dans l’ambiance, un film est sorti l’année passée (le paysan qui parle c’est Marc Van Overschelde). J’ai acheté le DVD à l’occasion de la visite au Hayon mais j’attends des conditions plus propices pour le regarder ; en ce moment je passe beaucoup de temps à mon jardin et mes projets, les soirées sont courtes.

Quand le vent est au blé (BE) // Trailer from SOS Faim on Vimeo.

J’essaye l’élevage du bombyx éri

Quand Anne a proposé d’envoyer des chenilles de bombyx éri, j’ai eu bien du mal à résister. Le bombyx éri est un papillon de nuit originaire d’Inde, dont la chenille se nourrit de feuilles de ricin mais qui peut aussi se contenter de feuilles de troène ou lilas en solution alternative.  Contrairement au bombyx du mûrier, le cocon est ouvert et donc il ne sert à rien de tuer la chenille pour utiliser le cocon de soie. De plus, son élevage est facile, et la chenille est beaucoup plus autonome que celle du bombyx du mûrier. En revanche, il n’y a pas de diapause (repos hivernal), ce qui veut dire qu’il faudra aussi l’élever l’hiver 😉

Marie des soies en parle ici, on trouve aussi des informations d’élevage là.

Les chenilles à J+2 :

Chenilles de bombyx éri sur troène

L’installation pour le moment :

Terrarium

Mon petit doigt me dit que la taille du terrarium sera rapidement trop petite !

De la génétique de nos animaux domestiques

Il y a deux courants de pensée parmi ceux qui s’intéressent de près ou de loin à la génétique et à l’élevage, éleveurs, chercheurs et politiques. L’idée la plus répandue est que la spécialisation est l’avenir de l’homme, au travers d’une sélection animale et végétale bien menée, afin de nous garantir un avenir meilleur en particulier d’éviter la famine. D’autres estiment au contraire que la biodiversité est importante pour la pérennité de nos ressources autant que pour le réservoir génétique qu’elle procure.

Avant les années 1900, chaque région, chaque terroir, avait sa variété de vache, de poule, de porc, de chèvre, de mouton… mais aussi de céréale, de légumineuse, de fruits, de légume ! Je ne sais pas qui a fait la poule et qui a fait l’œuf, si la biodiversité est le résultat de sélections voulues par l’homme ou si au contraire chaque animal, chaque plante s’adapte graduellement à son environnement, au point de créer des variétés. Je penche quand même pour cette seconde hypothèse.

Après la 2ème guerre certains pays mettent en place la « révolution verte », qui consiste à transformer l’agriculture jusqu’ici vivrière en modèle industriel. Plantes et animaux n’ont plus qu’à s’adapter aux besoins techniques et économiques. Par exemple, le blé doit être plus court et ne plus « taller » (former des touffes) pour être plus facilement moissonné, la vache doit avoir une conformation adaptée aux robots de traite, le porc et la poule doivent être capables de vivre dans des espaces réduits.
C’est dans ce but qu’est fondé l’INRA en 1946.
Dans ce contexte industriel, nos espèces domestiques traditionnelles, moins productives mais nettement plus rustiques car adaptées à un climat, un biotope, n’ont plus lieu d’être. Le politique ne s’y intéresse plus, l’industrie non plus et les espèces dites anciennes tombent dans l’oubli ou disparaissent, dans l’indifférence générale.

Aujourd’hui nous pensons qu’il n’existe qu’une seule sorte de vache, la noire et blanche qu’on voit parfois sur les emballages de lait. Que les poules sont rousses ou peut-être blanches, à la rigueur noires, et qu’un petit cochon, c’est rose.

En réalité la vache noire et blanche s’appelle « Prim’Holstein« , hautement sélectionnée pour produire du lait (jusqu’à 45 litres par jour), mais pas pour aller brouter de l’herbe dehors, d’ailleurs cela fait bien longtemps qu’elle n’en mange plus de l’herbe…
La poule rousse est une création de l’INRA et ce n’est pas la seule. Dans le milieu des petits éleveurs on appelle ces créations des « poules indus », capables de pondre leur chapelet d’œufs en 2 années là où les races rustiques vont les pondre en 4 ou plus d’années. A l’instar des légumes hybrides, il n’est pas possible à l’échelle amateur de reproduire à l’identique ces « races » issues de croisements complexes.
Le petit cochon rose quant à lui, est capable de prendre des centaines de kilos en quelques mois alors qu’une variété ancienne va atteindre sa masse idéale en 12 mois et parfois davantage. C’est la même chose pour les poulets de chair, sélectionnés pour prendre 2,8 kgs en 30 jours, contre 9 à 12 mois pour les variétés anciennes.

Ce ne sont que quelques exemples de ce que l’homme est capable de faire pour servir ses desseins. Le problème se retrouve aussi pour les animaux de compagnie et d’ornement, et, ne l’oublions pas, pour les animaux qui fournissent des fibres.
C’est le cas des chèvres mohair, des alpagas, du mouton (mérinos).
Un article paru dans le journal « Lamas et Alpagas » n°13 de juin 2013 dénonçait déjà la sélection des alpagas qui se faisait au détriment de leur confort (la forte couverture de laine sur les joues et le « pompon » de poils sur la tête restreignent parfois fortement la vision latérale de l’animal).
Les chèvres angora ont perdu leur instinct maternel et ne sont plus toujours capables de mettre bas et d’élever leurs chevreaux sans l’aide des humains. Les moutons mérinos ne muent plus et doivent être tondus régulièrement.

Mais cette sélection « agressive » se fait au détriment de la rusticité et de la faculté d’adaptation. Un éleveur très connu dans le milieu des volailles d’ornement m’expliquait un jour qu’il n’était plus possible désormais d’élever la poule Sebright sans la vacciner contre le virus de Marek, sans quoi elle l’attrapait presque systématiquement alors que ça n’était pas le cas il y a 20 ans. La poule de Houdan, qui a connu son heure de gloire en région parisienne au début du XXème siècle pour sa rusticité et la qualité de sa chair, a été tellement sélectionnée pour que sa huppe soit toujours plus volumineuse, qu’elle est devenue difficile à élever, avec un taux de mortalité élevé, ce n’est plus une poule rustique.

Je parle des poules parce que je connais bien, mais on peut l’appliquer à tous nos animaux domestiques. A trop vouloir sélectionner sur un critère particulier, nous « dénaturons » une espèce, animale et végétale. Combien encore de scandales comme celui de la grippe aviaire allons nous devoir subir avant de prendre conscience que nous faisons fausse route ?

Si la biodiversité de nos animaux domestiques  vous intéresse je vous conseille la lecture de ces livrets publiés par l’association « FERME« .