Tissage, shibori et teinture de l’osier

Les différentes réalisations du printemps et de l’été…

Le métier dobby est toujours occupé par des tissages réseaux (network drafting), cette fois-ci inspiré par les travaux de Sandra Rude et ses articles sur les techniques d’entrelacement de deux initiales en chaîne (elle a écrit deux articles disponibles ici et ).  J’aime beaucoup les effets de moiré que l’on peut obtenir, qui peuvent rappeler l’écorce d’un arbre, la texture d’une pierre, les effets de nuages, les reflets de l’eau… Voici mon tout premier essai en coton mercerisé, pas simple d’arriver à concevoir à l’ordinateur alors que le choix des couleurs a une énorme importance dans le rendu final.

Echarpe en coton mercerisé effet d'entracement

Echarpe en coton mercerisé effet d’entracement

Détail

Détail

Même chaîne, marchage différent

Même chaîne, marchage différent

Encore sur le métier Dobby, le tissage en cours depuis déjà plusieurs mois, toujours type réseau. La densité (20 fils au cm) et le fait qu’il soit double (deux épaisseurs qui s’enchevêtrent) font qu’il est très long à tisser. Il y a deux couleurs en chaîne (violet et orange), deux couleurs en trame (vert et magenta) et l’effet d’optique fait tout le reste…

Tissage double

Tissage double

Sur le 8 cadres de la soie pour un effet iridescent :

Echarpe en soie effet d'iridescence

Echarpe en soie effet d’iridescence

Détail

Détail

Je teste aussi le shibori. Il s’agit d’une technique japonaise de teinture type « tie and dye » (nouez et teignez). En nouant un tissu d’une certaine manière et en le teignant ensuite, on obtient de beaux effets. Catharine Ellis dans son ouvrage « woven shibori » l’a appliqué au tissage, en intégrant directement dans le tissage le fil qui permettra de nouer le tissu ensuite.

Voici une écharpe sur le point d’être retirée du métier. Le fil brun clair sera resserré puis retiré après la teinture, c’est lui qui permettra les réserves de teinture. J’ai utilisé du coton mercerisé 20/2 à 14 fils au cm pour la toile, et du coton 10/2 pour le motif. Et choisi d’utiliser mon métier à tisser japonais, autant rester dans la technique japonaise jusqu’au bout 🙂 La teinture sera une cuve traditionnelle d’indigo au sulfate de fer et à la chaux (je prépare un article sur cette sorte de cuve pour bientôt).

L'écharpe sur le métier.

L’écharpe sur le métier.

Prête pour serrer les liens qui vont former le motif

Prête pour serrer les liens qui vont former le motif

L’écharpe nouée et teinte.

Après trempage dans la cuve d'indigo

Après trempage dans la cuve d’indigo

C’est le nouage et le dénouage ensuite qui sont les plus longs à réaliser, l’étape tissage est relativement rapide, et la teinture à l’indigo ne demande pas beaucoup de temps de trempage, surtout la cuve au sulfate de fer et à la chaux. Ensuite on dénoue, on retient son souffle et voilà !

Terminée !

Terminée !

Détail

Détail

Comme je ne suis pas très assidûe à tenir mon blog ces temps-ci, j’en profite aussi pour vous montrer tout de suite quelques essais de teinture végétale sur l’osier. Ces essais sont destinés à mon vannier de Boult-aux-bois.

Teintures végétales sur osier

Teintures végétales sur osier

J’ai trouvé très peu d’informations sur la teinture de l’osier. Bernard Bertrand en parle dans son Tome 2 de la « Vannerie sauvage » (rhô là là encore quelque chose que je voudrais tenter un jour !). En particulier je me demandais s’il était nécessaire de mordancer. Cela dit j’ai choisi des teintures qui ne nécessitent pas obligatoirement de mordançage, comme ça le problème est réglé. Vous remarquerez peut-être que ce sont mes teintures fétiches 😉

De gauche à droite : garance, noix de galles + sulfate de fer, indigo, indigo et bourdaine, bourdaine, bourdaine en pH basique

De gauche à droite : garance (rouge-rosé), noix de galles + sulfate de fer (noir violacé), indigo, indigo et bourdaine (vert), bourdaine (jaune), bourdaine en pH basique (orange)

Reste à savoir si cela tiendra dans le temps. Le mode opératoire n’est pas tellement différent de celui pour la laine, mais l’osier a besoin d’un long temps de trempage dans le bain de teinture (ici j’ai laissé au moins 48 h). Donc chauffage de l’ensemble pendant 30 mn à 1 h (matière tinctoriale + osier), et oubli dans la teinture quelques jours. La différence majeure tient surtout dans le format des récipients :  mes casseroles sont un peu petites.

Intriguée

Intriguée

Présentation d’un métier à tisser à ratière

Parce qu’avant de me décider pour ce métier à tisser j’ai vraiment eu du mal à trouver des informations et des photos, je vous fais partager les miennes, il s’agit du  Magic Dobby de Louët.

Tissage sur métier à ratière

Tissage sur métier à ratière

La ratière, c’est le mécanisme qui permet d’actionner les cadres d’un métier à tisser. Au-delà d’un certain nombre de cadres (il me semble que 12 est un maximum chez les fabricants que je connais), il devient techniquement difficile de gérer toutes les pédales. Le Magic Dobby possède 24 cadres, il existe des métiers à ratière en ayant jusqu’à 40. D’une manière générale, en tissage plus on a de cadres et plus on a de « définition » pour former des motifs. C’est un peu comme la résolution d’une image numérique, d’ailleurs informatique et tissage partagent des points communs.

Les pas de programme

Ratière mécanique

Il y a deux types de ratières, soit mécanique, soit électronique, c’est à dire pilotée via un ordinateur et un logiciel spécifique. J’ai opté pour la ratière mécanique dans un premier temps. L’inconvénient des ratières électroniques du commerce c’est qu’elles sont chères (à mon goût) et qu’il faut en plus utiliser un logiciel payant pour les piloter. Logiciel qui fonctionne sous Windows ou Mac, mais pas sous Linux. Or je suis une indécrottable linuxienne. Et puis j’aurai l’impression de m’enfermer dans un système que je ne maîtrise pas. Cependant, un ratière maison électronique sous Linux est tout à fait envisageable, Cher&tendre a les possibilités et la compétence pour la réaliser, patience patience….

Le Magic Dobby est prévu pour être utilisé sur une table, ou sur son pieds fourni (dans ce cas la foule est formée par l’appui sur une pédale unique). Sur une table, les deux ensouples sont de part et d’autre du métier, ce qui oblige à se relever pour faire avancer la chaîne, l’ensouple arrière étant un peu loin des bras. Mais si on met le métier sur son pied, on peut changer les ensouples de place, ce que j’ai fait. Ainsi, plus besoin de me lever pour faire avancer la chaîne car tout est sous le métier comme sur la photo ci-dessous.

Vue arrière

Vue arrière

Le grand nombre de cadres est un avantage pour former des motifs complexes, en revanche, plus le nombre de cadres est grand et plus il faut tisser à une densité serrée (et donc utiliser un fil fin) pour que les motifs soient visuellement intéressants. Par exemple, avec 4 cadres et un enfilage chemin de rose, un motif fait 8 fils, donc sur 20 cm on peut le répéter 8 fois (20 cm x 4 fils au cm = 80 fils en tout). Un simple rentrage droit sur 24 cadres fait déjà 24 fils, et si on fait un rentrage à retour, il faut 46 fils ! Ce qui ne fait même pas deux répétitions complètes sur 20 cm.

Passage en lisses dans les 24 cadres.

Passage en lisses dans les 24 cadres.

Mais par contre, avec une densité serré de 9 fils/cm comme ci-dessous, ou même davantage, l’effet visuel devient vraiment intéressant.

Le tissage.

Le tissage.

Avec une ratière mécanique, il faut « programmer » le motif au préalable, en mettant une cheville dans le trou correspondant au cadre que l’on veut lever (chaque trou est numéroté de 1 à 24). Évidemment, plus le marchage est complexe et plus il faudra des « lignes » de programme. Pour l’instant, je n’ai pas de quoi aller au-delà de 50 « lignes » différentes ; avec une ratière électronique, il n’y a pas cette limitation et l’étape programmation est instantanée, il « suffit » de créer son bref et de le faire « jouer » par le logiciel.

Programmation du motif

Programmation du motif

Pour simplifier la programmation des motifs, j’utilise le format de fichier .wif (WIF pour Weaving Information File, un format passerelle de tissage que la plupart des logiciels savent lire). C’est un format texte, et je n’ai qu’à reprendre les numéros indiqués dans la partie [TIEUP] et les faire correspondre avec mon dobby mécanique.

Chaque pas de programme (ou duite) comporte un numéro, j’ai un sélecteur de pas de programme (le gros bouton carré) qui me permet d’avancer ou reculer dans le programme.

Le sélecteur de programme

Le sélecteur de programme

Les chevilles appuient sur des lames plastiques, celles qui sont poussées permment aux cadres correspondants de se lever.

Sélection des cadres pour le motif

Sélection des cadres pour le motif

Et c’est ainsi que l’on obtient des motifs complexes, ci-dessous de la soie tissée à 16 fils au cm, avec 1 répétition d’un motif qui fait 46 fils et 48 duites et une armure à base de satin 1/5

Soie avec motif 24 cadres.

Soie avec motif 24 cadres.

Détail

Détail

Ressources pour aller plus loin (métiers à ratière mais aussi à 4 et plus de cadres) :

  • Le logiciel libre et gratuit DB-Weave qui permet de créer des brefs, de lire les fichiers .wif et de piloter certains métiers à tisser électroniques (pas les Louëts à priori)
  • Handweaving.net avec ses nombreux brefs gratuits, il y a même un générateur de motifs
  • Le livre d’Alice Schlein et Bhakti Ziek, « the woven pixel » en téléchargement gratuit, consacré à la création de motifs de tissage en utilisant un logiciel de retouche d’image (Photoshop dans l’ouvrage, mais The Gimp, libre et gratuit, propose les mêmes fonctionnalités)
  • Pixeloom et Fiberworks sont deux logiciels de tissage payants, mais ils permettent de concevoir des brefs élaborés ; leur version de démonstration est seulement limitée à l’enregistrement et l’impression.
  • Le livre d’Alice Schelin « Network drafting : an introduction« , permet de tisser des courbes à l’aide de techniques simples
  • Le livre de Marian Stubenitsky « weaving with echo and Iris« , complémentaire à l’ouvrage d’Alice Schlein