Les réserves pour l’hiver et la lactofermentation

L’automne arrive… C’est la période où l’on commence à récolter et faire des réserves pour la mauvaise saison. Cette année nous ne mettrons aucun fruit ni légume au congélateur (on le faisait rarement cela dit, sauf les haricots verts mais nous étions toujours déçus). Il y a des alternatives, non seulement moins énergivores, mais tellement meilleures au goût ! Cela laissera de la place au congélateur pour la viande que l’on achète en direct aux producteurs.

Nous le faisons depuis des années : faire sécher les fruits. Il suffit de les réhydrater au moment de faire une tarte par exemple. Les fruits séchés se conservent des années dans de simples bocaux, en plus ils sont délicieux à manger comme cela.

Des mirabelles et des quetsches sèches.

Des mirabelles et des quetsches sèches.

Les carottes et autres légumes racines se conservent bien dans du sable dans une cave. Les pommes de terre se gardent aussi en cave ainsi que les pommes. Nous avons mangé les pommes de notre jardin jusqu’en mars de cette année, et elles sont restées excellentes jusqu’au bout.

Et pour les autres légumes qui se gardent mal en cave, ce que nous avons essayé et adopté cette année c’est la lacto-fermentation. La choucroute est le plus connu des aliments lacto-fermenté, et on peut conserver de cette manière tous les légumes. L’avantage est qu’il n’y a pas besoin d’électricité, d’appareils compliqués… de simples bocaux et du sel suffisent. C’est rapide et facile à faire, il n’y a pas besoin de stériliser et en plus c’est excellent. Si l’aventure vous tente je vous conseille le site de Marie-Claire, une mine d’informations et elle en parle tellement mieux que moi…

Jus de mûre fermenté, haricots et choucroute lactofermentés.

Jus de mûre fermenté, haricots et choucroute lacto-fermentés.

Nous avons d’abord réalisé une première série de choux et de betteraves rouges lacto-fermentés que nous avons dévoré en quelques jours. Pourtant la betterave rouge, crûe en général je n’aime pas trop. Mais lacto-fermenté cela n’a plus rien à voir, c’est comme un peu cuit, meilleur au goût et vraiment digeste. Nous avons pris l’habitude de ne pas manger de fruits ou légumes crûs le soir car c’est l’assurance d’une mauvaise nuit (les légumes crûs ne sont vraiment pas digestes contrairement aux idées reçues). Mais ce qui est lacto-fermenté ne nous pose aucun problème.

Quant à la choucroute, depuis que j’ai lu comment elle était fabriquée aujourd’hui et avec quel chou, je pense que je ne suis pas prête d’en racheter dans le commerce ! D’abord la choucroute est loin d’être une spécialité alsacienne. Originaire de Chine il y a environ 2000 ans, elle est consommée traditionnellement dans diverses régions du globe, de l’Europe de l’est jusqu’au Chili, en passant par la Chine.

En Alsace, elle était traditionnellement réalisée avec du chou « quintal d’Alsace », un très gros chou juteux qui pouvait atteindre jusqu’à 7 kgs. Mais la production de ce chou ancien est devenue confidentielle. Des hybrides le supplantent, pire encore, le chou à choucroute n’est pour ainsi dire plus produit en Alsace mais dans l’Aube, la Sarthe et le Pas-de-Calais… quand il n’est pas importé des pays de l’est !

Pour obtenir de la choucroute, il faut compter un minimum de 3 semaines de fermentation. Mais les industriels, pour raccourcir ce délai à 2 semaines, ajoutent du vinaigre. L’inconvénient est que la choucroute est trop acide pour la consommer telle quelle, il faut la rincer et même parfois ajouter du bicarbonate pour annuler cette acidité. Ce qui est dommage quand on connaît les bienfaits de la lacto-fermentation.

Notre choucroute « maison » n’est pas acide et nous n’avons pas eu besoin de la rincer pour la consommer. Ce fut une réussite et nous avons donc refait de plus grandes quantités pour en consommer tout l’hiver.

Enfin nous nous sommes essayés au vinaigre, le vinaigrier proposé par le Clos Saint Antoine nous paraissait intéressant d’autant qu’avec le vinaigrier est fourni du vinaigre de démarrage. On aurait aussi pu utiliser n’importe quel vinaigre qui n’aurait pas été pasteurisé (ce qui n’est pas si fréquent).

Du vinaigre de vin bio maison.

Du vinaigre de vin bio maison.

Au bout d’1 mois environ nous avons soutiré notre premier vinaigre. L’étape suivante sera de faire de la moutarde, et de varier les vinaigres : avec des pommes, des framboises ou du miel. Mais pas ajouter du jus dans du vinaigre, non, faire fermenter le jus pour qu’il se transforme en vinaigre. C’est plus intéressant !

Soutirage du vinaigre.

Soutirage du vinaigre.

Fromage maison

Quand on fait déjà ses yaourts, sa crème et son beurre, l’étape suivante c’est assez logiquement le fromage…

Cher&tendre a une expérience car dans son jeune temps, il faisait régulièrement du fromage chez ses parents ; il avait visité une fruitière de ma région natale, au bord du lac Léman, pour apprendre à faire du reblochon. Les gestes lui sont naturellement revenus.

Le plus difficile dans le fromage, c’est d’avoir une source de lait ! Car il faut compter au moins 4 à 5 litres, voir bien davantage si l’on veut se lancer dans l’élaboration de fromages de garde. Le top du top c’est d’avoir du lait bio de ferme, ainsi on décide si l’on veut réaliser du fromage au lait crû, ou pasteurisé, entier ou écrémé. Le lait pasteurisé du commerce fonctionne aussi mais le coût de revient est élevé et puis… rien ne vaut un bon fromage au lait crû. Cependant, il devient de plus en plus difficile d’acheter du lait directement auprès d’un paysan. Nous avons cette chance ici, et en plus du lait bio de vache de race Montbéliarde ! (je peux vous dire que le lait est bien meilleur que celui des Prim’Holstein).

Du pain maison à la farine maison, et du fromage maison.

Du pain maison à la farine maison, et du fromage maison.

A propos du fromage au lait crû, il me semble important de préciser certains points. Le fromage au lait crû fait peur, peut-être pas autant en France qu’en Amérique du Nord ou Australie, mais tout de même. Or les recherches effectuées par l’INRA démontrent  que non seulement le risque sanitaire est quasi-nul, mais qu’en plus le fromage au lait crû serait bon pour notre santé et notre microbiote. Plus encore, les fromages au lait pasteurisé et micro-filtré seraient davantage sujets à contamination par la listeria parce qu’ils ont perdu toute leur diversité microbiologique. Bien entendu, le lait en lui-même doit être rigoureusement contrôlé, ce qui est le cas en France.

Ce sont surtout les industriels, du fait de leur production de masse, qui n’ont que des intérêts à pasteuriser le lait qu’ils utilisent pour leurs fromages, et qui essayent de nous faire peur avec le lait crû. Il y a deux raisons essentielles à cela.
D’abord, parce que leur approvisionnement en lait vient de sources très diverses et variées (il faut oublier l’idée que le camembert qu’on trouve dans les grandes surfaces est élaboré avec du lait de normandie, et encore moins avec du lait de vache normande, tel qu’à son origine ; seul le véritable camembert de Normandie AOP doit comporter au minimum 50% de lait de vache normande). Et donc, qui dit lait de provenances variées dit diversité microbiologique variée elle aussi, taux de matière grasse fluctuant et donc, très grandes difficultés à élaborer du camembert, du reblochon, de la tomme etc… Donc, la pasteurisation permet aux industriels de normaliser le lait. Au passage, ils normalisent également le taux de matière grasse.
Donc, deuxième raison à ce que les industriels utilisent du lait pasteurisé : ils peuvent l’ensemencer avec n’importe quel ferment pour réaliser n’importe quel fromage. C’est ainsi qu’une grosse fromagerie peut élaborer plusieurs sortes de fromage par exemple… On est bien loin de la notion de terroir !

Art de vivre...

Art de vivre…

Alors, fabriquer son fromage soi-même, c’est un peu fuir cette façon de faire industrielle et revenir à quelque chose de plus authentique. Les ferments naturels contenus dans le lait ainsi que dans l’air ambiant, contribuent à donner un goût unique et spécifique à votre fromage. Je ne suis pas opposée au fromage élaboré à partir de lait pasteurisé, nous en avons d’ailleurs fait, mais en toute connaissance de cause, et non pas « parce que c’est mieux ».

Il n’y a pas une façon de faire mais bien des manières, qui dépendent du type de fromage souhaité, de l’envie de celui qui fait le fromage 😉 À pâte dur ou molle, pressée ou non, cuite ou pas, avec ou sans croûte… Donc ce qui suit n’est pas une recette, mais une des manières de faire de faire de Cher&tendre, quand il souhaite obtenir un fromage que l’on peut conserver quelques semaines ou mois.

Le lait (ici crû et entier) est emprésuré (ajout de présure) afin de le faire cailler. Cela peut se faire à température ambiante à condition que le lait soit déjà à environ 20°C, en tout cas pas à plus de 40°C car les ferments seraient tués.

Le caillé est prêt.

Le caillé est prêt.

On découpe ensuite le caillé, la taille des carrés dépend du type de fromage que l’on veut, ou bien comme ici, on fait comme on peut 😛

On découpe le caillé.

On découpe le caillé.

Le brassage du caillé permet au petit-lait de s’évacuer. A cette étape, on peut chauffer le caillé selon le type de fromage souhaité.

Caillé et lacto-sérum.

Caillé et lacto-sérum.

On filtre le caillé dans une étamine posée dans un moule à fromage.

Egouttage du caillé.

Egouttage du caillé.

Le pressage n’est pas obligatoire, mais pour un fromage de garde c’est mieux.

Pressage du caillé.

Pressage du caillé.

Et voilà le fromage frais, prêt à être affiné.

Un fromage frais prêt pour l'affinage.

Un fromage frais prêt pour l’affinage.

Pour former la croûte, on peut le frotter à l’eau salée, une fois par jour.

On frotte la croûte avec du sel.

On frotte la croûte avec du sel.

Et voici notre « cave d’affinage », elle n’est pas parfaite, en particulier à cette saison il fait chaud et sec, et le fromage évolue vite donc on ne pourra pas le conserver des mois. Pour le fromage type camembert, une boîte hermétique est mieux pour l’affinage. Le must ce serait une cave, c’est en cours d’étude, mais vivant en bordure d’une rivière, il y a quelques contraintes techniques.

L'affinage du fromage dans un garde-manger.

L’affinage du fromage dans un garde-manger.

Quand on fait du fromage, on se retrouve avec de grandes quantités de petit-lait, ou lacto-sérum. Il n’est pas terrible au goût, contrairement au babeurre. Traditionnellement, on le donnait aux cochons. On peut également le faire bouillir pour obtenir un sérac (dans ma régione natale), ou brousse.

Le petit lait a été chauffé et on le filtre pour obtenir du sérac

Le petit lait a été chauffé et on le filtre pour obtenir du sérac

Tarte à la farine maison d'engrain et à la brousse. Arrière plan : du pain au miel prêt pour l'enfournage.

Tarte à la farine maison d’engrain et à la brousse. Arrière plan : du pain au miel prêt pour l’enfournage.

Le restant de petit-lait peut être utilisé en cuisine, pour y faire cuire riz ou pâtes, ou bien donné aux poules ; pour les poules, nous faisons cuire du boulgour dedans, ou bien j’imbibe du pain sec avec. Pas de pertes !

Le levain naturel

Mes questionnements et réflexions à propos des variétés de blé, de la panification, m’ont amenée inévitablement vers le levain… J’étais restée sur les préjugés que le pain au levain est compact et acide. Mais la curiosité a pris le dessus sur mes préjugés et puisque Cher&tendre souhaite faire son pain, autant aller jusqu’au bout là aussi et ne pas dépendre d’un tiers pour la levure de boulangerie (qui est en fait de la levure de bière).

Nous nous sommes donc lancés dans l’aventure de la culture (ou élevage ?) du levain naturel 😉

Levain en train de buller

Levain en train de buller

Le levain naturel est issu d’une fermentation spontanée de farine (complète de préférence) mélangée à de l’eau (on peut aider au démarrage avec un peu de miel). Il ne faut pas le confondre avec le levain fermentescible, qui lui contient en plus un ajout de levure de bière. Attention, l’appellation « pain au levain » en bio, peut contenir de la levure de bière, voir être un « poolish » c’est à dire de la levure de bière fermentée plusieurs heures. C’est un peu mentir au consommateur. D’autant que levure de bière et pain complet font mauvais ménage.

Du pain au levain

Du pain au levain

Les micro-organismes qui composent le levain naturel proviennent de la farine, de l’enveloppe du blé, mais aussi de l’air ambiant. C’est près de 70 espèces de levures et bactéries qui composent sa faune typique, chaque levain est donc différent. Le nôtre sent bon la pomme très mûre, une odeur fruitée vraiment étonnante (démarré à la farine bio intégrale).

Je ne vais pas vous expliquer comment obtenir du levain, car les informations ne manquent pas sur internet. Je  vous conseille la lecture de ce lien très intéressant. Et puis des informations plus précises encore ici.

En revanche, voici mes impressions après quelques semaines d’essais divers.

L’acidité : le levain est essentiellement constitué de levures et de bactéries lactiques. Les levures font lever la pâte, elles aiment une température d’environ 30°C. Tandis que les bactéries transforment les sucres en acide lactique, et parfois en acide acétique. C’est ce dernier qui est responsable du goût acide du pain. Les bactéries aiment mieux des températures un peu plus basses, 22 à 26°C et donc tout l’art d’un bon pain au levain est de trouver le juste milieu pour que le levain se développe bien, tout en satisfaisant les goûts de chacun. Il semble également qu’une pâte qui n’est pas très hydratée devienne davantage acide. Mon Cher&tendre travaille des pâtes très molles, elles sont difficiles à manipuler mais le pain est vraiment meilleur.

Pain au levain avec de la farine maison et locale

Pain au levain avec de la farine maison et locale

Notre premier pain a levé plusieurs heures à température ambiante, entre 20 et 22°C et il était vraiment acide et compact, tout ce que nous n’aimons pas (mais fort heureusement ici rien ne se perd et il a fini dans l’estomac des poules 😉 )
Deuxième essai, levé toute une nuit à environ 28°C et là, la révélation ! Un pain incroyablement doux, moelleux, aéré. Un régal. Bien meilleur qu’un pain à la levure de bière.

Le levain s’accommode aussi très bien de préparations sucrées, telles que les crêpes fermentées (un délice, et digestes en plus) ou la brioche (aux arômes de panettone, qui est précisément une sorte de brioche au levain).
Et même de la pâte à pizza. Finalement, le levain va prendre une place beaucoup plus importante qu’on ne l’avait envisagé dans notre cuisine, puisqu’il est possible de tout faire lever avec (même des croissants, mais il faut être courageux).

Crêpe au levain et à la farine fraîche d'engrain (petit épeautre)

Crêpe au levain et à la farine fraîche d’engrain (petit épeautre)

Un pain au levain est plus digeste, plus nutritif et possède un indice glycémique plus bas qu’un pain à la levure. De plus, le pétrissage est moins important, c’est l’action de la fermentation lente qui développe les glutens, puis ensuite l’étape du pliage. De même, le blé n’a pas besoin d’avoir un fort taux de gluten pour être panifié au levain, à condition de laisser le levain fermenter plusieurs heures (une nuit voir plus).

Nos expérimentations ne sont pas terminées, je crois qu’il y a matière à rédiger un troisième article à propos de pain et de farine 🙂