Alpagas, animal et fibres

Au début du mois, je participais pour la deuxième fois au Show Alpaga organisé par Alpaga Développement.


Naïade et moi, au premier plan la juge.

Qu’est-ce qu’un show, et à quoi sert-il ? C’est l’occasion pour les éleveurs, de présenter leurs animaux devant un juge, généralement étranger au pays afin d’être le plus neutre et impartial possible. Le juge va examiner tous les animaux selon des critères précis (conformation, qualité de la laine), et les classera. C’est donc pour l’éleveur, un moyen de connaître la qualité de son animal, de savoir s’il a une toison fine, dense, lustrée, crimpée…


La juge examine la toison d’un alpaga suri

Cette année la juge, Jill, venait du Canada. Elle a aussi animé une conférence sur les fibres, comment reconnaître une toison de qualité, et sur le process industriel de transformation des fibres. Autant d’éléments clés pour les éleveurs, qui leur permettent d’axer leur élevage pour l’obtention d’une excellente matière première. C’est ce que l’on appelle la sélection.
Grâce à tout ce travail en amont, les tricoteuses peuvent bénéficier de laine d’alpaga très doux, par exemple. :wink1_tb:


Bouilles d’alpaga

En tant que fileuse, cette conférence m’a aussi beaucoup intéressée, et m’a permis de mieux connaître les toisons d’alpaga. Jill avait apporté des échantillons de toisons dites « d’élite » car d’excellente qualité ; ces échantillons font partie des 5% plus belles toisons du continent américain :shock_tb:
J’ai eu la chance de voir et de filer de très belles toisons d’alpaga grâce à Marie-Geneviève d’Alpaga Développement, mon mentor dans le domaine. Mais là, nous avons tous été ébahis par la qualité de ces fibres d’élites, qu’on aurait pu prendre pour certaines, pour de la soie tant elles étaient fines et lustrées.


Alpaga suri

Les caractéristiques de l’alpaga.
Il existe deux types d’alpaga, les huacayas, et les suris. Leur toison se décline dans environ 22 couleurs naturelles, allant du blanc pur au noir profond, en passant par diverses nuances de brun, beiges et gris.


Différentes couleurs naturelles

L’alpaga huacaya est le type de le plus répandu. Sa toison est de type « laine », c’est à dire ondulée (on appelle cela le crimp), la finesse peut aller jusqu’à 15 microns (ce qui est plus fin que la plus fine laine de mouton, le mérinos).


Le best of show de ce concours 2009, un alpaga huacaya

L’alpaga suri est plus rare et sa particularité réside son absence d’ondulations (crimp), et de longues mèches enroulées sur elle-mêmes. Sa toison, très lustrées, est du type « cheveux », tout comme le mohair. On privilégie davantage le lustre que la finesse chez le suri.


Un alpaga suri

Dans le cycle du filage, le suri sera peigné, tandis que le huacaya peut-être cardé ou peigné. Le suri est beaucoup plus difficile à travailler du fait de ses très longues mèches enroulées.


Le crimp sur une mèche d’alpaga huacaya (finesse d’environ 18 microns), appartenant à Talicot. Les toisons d’élite présentent encore plus d’ondulations bien que celle-ci soit déjà belle.

Cependant, la fibre d’alpaga n’est pas synonyme de douceur. Ce qui fait que l’alpaga « pique », c’est la présence de poil de garde (ou jarre), plus épais. Un restant de la toison primitive de l’animal, à l’origine pour le protéger des intempéries.
C’est le travail des éleveurs de sélectionner des animaux qui ont le moins possible de poil de garde, ou le plus fin possible. C’est aussi le travail des transformateurs (industrie ou fileur) de trier les toisons et de retirer les parties jarreuses et plus épaisses, afin d’obtenir un produit fini de bonne qualité.


Mon stand filage, tricot, tissage, axé alpaga, lors du show

Enfin une précision d’importance, les alpagas, comme les lamas et les chameaux, ont la particularité de cracher lorsqu’ils se sentent agressés, mais ils ne le font que sur leurs congénères. Ce sont des animaux doux et craintifs, intelligents et attachants. :wub_tb:

De retour

Le temps file aussi vite que mon rouet n’avale la laine… Pratiquement 1 mois sans mise à jour, je bat des records… d’absence ! :thumbdown_tb:

Les raisons :

La fête médiévale de Semur-en-Auxois, où je faisais une animation filage, tranquille à l’ombre d’un arbre alors que le soleil dardait tous ses rayons  sous une chaleur écrasante :

Le festival renaissance de Marville, à deux pas de chez moi, et cet amusant anachronisme :

Ce fut l’occasion de revoir Dominique.be (Tricotnordique), et aussi de boire une petite bière Belge dans l’un des plus beaux village de Wallonie, juste à côté :drunk_tb:

Et enfin ce week-end, le Solstice d’été à Bibracte, et une exposition textile au musée. Après une semaine de très mauvais temps digne d’un mois de novembre, samedi le soleil était radieux et j’ai découvert le Morvan sous ses plus beaux atours.

Vue depuis le Mont-Beuvrey (altitude 800 m), à l’emplacement de la ville Gauloise de Bibracte. Nefrice (Tricotnordique et Forum Filage, au centre sur la photo) travaille au musée de Bibracte, et nous a fait visiter le site et le musée ; ce fut vraiment passionnant de découvrir l’histoire de ces gaulois et de cette ville abandonnée. Nous avons clôturé la visite par un repas typiquement gaulois arrosé de cervoise :tongue1_tb:

Alors, niveau tricot, pas grand’chose de neuf, je tricote à la vitesse d’un escargot… enfin voici tout de même le gilet Drops en coton nat de chez Fonty terminé :

Je rappelle que les couleurs sont celles des fleur de coton, pas de teinture.

Un petit filage pour une future laine à chaussette, un mélange spécial chaussette, 70% mérinos superwash et 30% nylon

Teintures alimentaires (et oui ça tient très bien sur le nylon).

Et puis Cécile, de Belgique, est venue me rendre visite et m’a apporté un peu de toison de ses moutons, de race Est à laine mérinos. L’est à laine mérinos est un mouton typique d’Alsace-Lorraine et des zones limitrophes dont la Belgique et l’Allemagne.

C’est un mouton qui a en général une très belle laine, assez fine.

Les mèches de cette toison étant bien distinctes, et longues, j’ai opté pour les peigner, plutôt que pour les carder.

On remplis un peigne :

Avec le deuxième peigne, ben on peigne (en fait, on transfert d’un peigne à l’autre), et au bout de deux passages  (transfert sur le peigne mobile, puis sur le peigne fixe), on obtient ce nuage prêt à être filé :

Et le fil terminé, avec une aiguille de 2 mm pour l’échelle :

Peigner la laine plutôt que la carder, va permettre de filer un fil beaucoup plus fin, et plus solide. En contrepartie, il sera un peu moins doux et plus dense. Il y a néanmoins beaucoup de déchet au peignage, mais on ne garde que les fibres les plus longues, que l’on aligne parallèlement lors du processus. Le cardage, quant à lui, aère les fibres, et conserve donc toutes les différentes longueurs. L’un ou l’autre processus est à utiliser donc, selon le type de fil fini souhaité.

Bon je vais essayer de faire des mises à jour de mon blog un peu plus rapprochées, bien que c’est la pleine saison des sorties, avec le Festival d’Histoire vivante de Marle dans 15 jours (je ne raterai cela pour rien au monde !) et la fête de la musique la semaine prochaine :jittery_tb:

Microscopie

Que se cache-t-il derrière nos matières premières préférées ? Pourquoi la laine feutre, pourquoi elle peut parfois piquer, quelle est la différence entre de l’alpaga, de la laine et du coton ?

Je vous invite à faire avec moi un plongeon au coeur des fibres, à l’aide de mon nouveau joujou : un microscope équipé d’un appareil photo.

Suivez-moi… :arrow:

Un brin de laine en éclairage épiscopique (par le dessus), grossissement 100 fois :

Voici de la laine, race Limousine, grossissement 100 fois. Le gros poil sur la photo, c’est du jarre.

Le jarre est un poil épais, creux, qui ne prends pas la teinture, et qui fait que la laine ou le mohair, pique. Quand on sait que la finesse d’une fibre détermine sa douceur, on comprends mieux pourquoi le jarre pose problème. Il est donc important de l’éliminer pour obtenir une matière première de qualité.

Un poil de mouton race limousine, grossie 800 fois :

On voit nettement les écailles de la laine, ce sont les écailles, qui en s’ouvrant sous l’action conjuguée des frottements, de tensio-actifs (savon, liquide vaisselle, etc…) et des chocs thermiques, créent le phénomène du feutrage. La limousine est réputée pour feutrer facilement, elle n’est d’ailleurs pas très douce et s’utilise précisément pour faire du feutre.

Un autre poil de mouton, cette fois-ci de race Babydoll, grossissement 400 fois :

Les écailles sont moins nombreuses que pour la limousine.

Du coton, grossissement 400 fois :

Aucunes écailles, le coton ne feutre pas. Mais une forme renflée sur les bords et applatie au centre.

De l’alpaga grossissement 400 fois.

Les écailles sont moins prononcées que pour la laine, ce poil d’alpaga est assez fin.

Les fibres d’origine synthétiques sont assez passionnantes à observer, ici des fibres d’angelina grossies 400 fois :

Ce sont des fibres très brillantes, aux reflets irisés ou holographiques. On en met très peu dans un fil pour lui donner une note scintillante. La fibre n’est pas fine, et elle est très plate.

Quand on l’éclaire par le dessus (éclairage épiscopique), elle brille de mille feux, on dirait la photo satellite d’une ville éclairée de nuit :

Il me reste encore des tas de fibres à observer, du lin, du chanvre, du kapok, diverses races de laine et d’autres sortes de bêtes à poils comme le chameau, le yak… l’observation au microscope est fascinante, c’est la re-découverte du monde de tous les jours qui nous entoure.

Côté tissage, j’ai terminé une étole en coton et soie :

Et Central Park Hoodie est photographié sur pieds dans la galerie de Tricofolk ici et .