Le tissage réseau est un concept mathématique développé en 1938 par deux mathématiciens francophones. Leur livre, « un aspect mathématique du tissage à lame« , inconnu ou pratiquement des tisserands français, a inspiré des tisserandes américaines de talent dont Alice Schlein, qui ont analysé et appliqué ce concept à nos métier à tisser modernes. Elle en a d’ailleurs consacré un livre.
Le principe, très simplifié, consiste à dessiner une ligne puis à la reporter sur un « réseau » qui peut être à base de sergé ou de satin. Le résultat donne des formes courbes (ce qui n’est pas courant en tissage), qui ne sont pas sans rappeler la nature. J’ai tout de suite été fascinée. Malheureusement, si ce concept est peu connu des francophones, le fait qu’il faille un métier avec 16 ou davantage de cadres pour exprimer le potentiel de cette technique n’est pas étranger. Bien qu’on peut déjà réaliser de belles choses avec 8 cadres.
S’il est possible de développer un bref avec cette technique sans passer par l’informatique ou par un logiciel spécialisé (en s’aidant d’un éditeur d’image comme Gimp), cela aide grandement à la découverte et à l’élaboration du bref. J’ai choisi Pixieloom pour mes brefs, que j’émule sur mon système Debian.
Voici donc mes premières réalisations avec cette technique, sur mon métier à ratière 24 cadres, avec des brefs que j’ai créés.
Le premier tissage réseau que j’ai réalisé a été deux écharpes partageant le même enfilage mais un attachage et un marchage différent.
Une écharpe en sergé brisé.
La variante en sergé composé (même enfilage mais attachage et marchage différent).
Mon deuxième essai a été de découvrir le tissage réseau mis en écho (Marian Stubenitsky a consacré un ouvrage à cette technique). Cette variante donne l’impression de tisser avec beaucoup de couleurs, là où il y en a peu. Par exemple pour l’écharpe qui suit, seulement 3 couleurs ont été utilisées : bleu et violet en chaîne, orange en trame.
Selon l’angle de vue en cours de tissage, la trame ou la chaîne domine, créant des effets de moiré étonnants.
L’écharpe terminé, seulement 3 couleurs utilisées là où on en verrait plutôt 4.
Détail recto et verso :
Le bref que j’ai créé :
Une variante, avec un marchage différent et du rouge comme couleur de trame.
Après avoir joué avec le sergé, j’ai eu envie de jouer avec le satin. Mon essai suivant a été de transposer une ligne sur un réseau en satin de 8. 18 fils au cm.
La même chaîne (enfilage identique) avec un mix de satin de 8 et armure toile :
Et enfin à ce jour, mon tissage en cours sur mon dobby c’est encore un tissage réseau, mais cette fois j’ai repris un motif que j’ai transformé :
L’avantage de cette méthode est qu’on n’a pas besoin de se soucier des flottés, inévitables avec les motifs. En revanche le rendu est « flouté ».
Le tissage actuel, même chaîne que précédemment, mais avec des dragons (assez difficile à discerner, surtout avec ce rouge vif) :
Parallèlement, sur mon métier 8 cadres j’ai tissé un modèle de Marian Stubenitsky disponible gratuitement chez Weaving Today, une autre forme de tissage en réseau :
Deux marchages différents pour deux résultats différents :
La pièce entière :
Je n’ai expérimenté qu’une infime partie des possibilités que ce concept permet. Les facteurs qui influencent le rendu sont multiples, densité du tissage, choix des couleurs, attachage des cadres… Encore des heures de découverte en perspective 🙂