Tambouilles végétales

Je ne pensais pas m’y mettre un jour, et encore moins aimer cela…

L’été, le fait que j’ai un peu plus de temps, et surtout, que je dispose d’un local avec l’infrastructure nécessaire me permettant de « tambouiller » en toute quiétude (eau chaude, gaz), en gros de faire mon « petit bazar » sans envahir la cuisine, toutes ces conditions réunies m’ont fait me lancer dans la teinture végétale. Et contre toute attente, moi qui suis habituellement fâchée avec les casseroles, et bien je dois que dire que là, ça me plaît de jouer à l’apprenti-chimiste… :wallbash_tb:

J’ai d’abord essayé la fleur de Carthame. Gregoire en donne la recette sur son blog et quand j’ai vu le rose qu’il obtenait, je n’ai eu qu’une envie, essayer à mon tour… Dominique Cardon dans son ouvrage de référence, « Le monde des teintures naturelles » ,  en donne également la recette : le principe consiste à laver les fleurs à l’eau, pour en retirer le colorant jaune (que l’on peut mettre de côté pour l’utiliser, mais il n’est pas solide à la lumière). Puis on extrait le colorant rose dans une solution basique (eau + cristaux de soude par exemple). Une fois le colorant extrait, on y plonge la fibre, et l’ajout de vinaigre permet de révéler la couleur.

Un peu d’huile de coude plus tard, j’obtenais cela :

Dans le sens des aiguilles d’une montre, depuis le haut : coton, lin et soie. Les résultats les plus spectaculaires, chez moi, sont sur le lin, puis sur le coton, et enfin sur la soie. La laine et le mohair ne rendent pour ainsi dire pas les couleurs, ce qui est surprenant. Pour une fois, voici une teinture végétale qui rend mieux sur les fibres cellulosiques. Sachant que le carthame est utilisé en Egypte dès mille ans av. JC, j’imagine la beauté des vêtements de lin, s’ils étaient teints ainsi.

Ce qui est bien sympathique et utiliser de préciser, c’est qu’avec le carthame il n’y a pas besoin de mordancer la fibre (c’est une péparation préliminaire souvent nécessaire, qui créé un pont chimique entre la fibre et la couleur, permettant à celle-ci de se fixer sur la fibre).

J’ai filé le coton et la soie et retordu ensembles :

Malheureusement le carthame n’est pas très solide à la lumière, je ferais probablement une petite écharpe à sortir pour les grandes occasions.

Ma deuxième expérience fut avec le bois de santal. Dans le sens des aiguilles d’une montre, en haut à gauche, sur de la laine : décoction des copeaux dans l’eau et ajout de soude caustique, macération dans de l’alcool, décoction dans l’eau dans deux bains différents en bas.

Le santal rends mieux lorsqu’il est extrait dans l’alcool (source Dominique Cardon). J’ai utilisé de l’alcool à brûler, et mis des copeaux + juste assez d’alcool pour qu’ils soient immergés, laissé dans un bocal fermé plusieurs jours. Le jus était bien rouge. Je l’ai récupéré, puis dilué avec de l’eau et enfin mis ma laine dans ce mélange, chauffé et voilà. Il vaut mieux faire cela fenêtres ouvertes à cause des vapeurs d’alcool… :drunk_tb:

Puis vint le bois rouge. Ah le bois rouge… avec le Carthame c’est mon préféré pour l’instant, étant donné les coloris intenses que j’ai obtenu.

Tous ces essais ont été faits uniquement avec une décoction de copeaux. La macération dans l’alcool ne donnant pas de meilleurs résultats, je me suis abstenue d’en respirer les vapeurs inutilement.

Au centre, soie (mordancée)  sans autres ajouts. En haut au milieu, et dans le sens des aiguilles d’une montre, tous essais sur laine : laine sans ajout (c’est à dire, dans le même bain que la soie, la différence est incroyable !), le beige rosé : ajout de sulfate de fer, le violet-rose : ajout de bicarbonate + sulfate de fer,  le rouge : ajout de soude caustique (la nuance sur la laine avec soude caustique est proche de celle de la soie sans rien), le magenta : ajout de bicarbonate de soude.

Essais avec du rocou :

A droite, décoction des graines à l’eau, à gauche, ajout en plus de soude caustique pour obtenir un jaune d’or (source Dominique Cardon). La teinture au rocou, comme pour le Carthame, ne nécessite pas de mordançage préalable.

Et puis enfin mes essais récents :

À gauche du coton mordancé au Tara avec ajout de sulfate de fer pour obtenir un noir violacé, en haut rocou sur mohair et soie, à droite carthame sur du lin (rhâââ !:wub_tb: ). Le Tara est intéressant car il permet de mordancer le coton, j’y consacrerais d’ailleurs des essais.

Voilà pour mes débuts. Je ne pensais pas obtenir des couleurs si vives, mais je pense que l’eau que j’utilise a son importance. Ici l’eau vient du massif forestier, elle est légèrement acide (elle a d’ailleurs un goût que je n’aime pas trop). Il semble que l’eau douce donne de bien meilleurs résultats que l’eau dure. Il est conseillé, en cas de résultats décevants, d’ajouter un tout petit peu de vinaigre dans l’eau, ou bien d’utiliser de l’eau déminéralisée, de l’eau de pluie ou de l’eau adoucie.

Aussi, quand on parle « teintures végétales » ou « teintures naturelles », on pense tout de suite au côté bio (la santé), et au côté respect de l’environnement. Nombre de sites et d’ouvrages sur le sujet, parlent de mordancer au chrome et à l’étain, qui sont des métaux lourds, dangereux pour la santé, et très nocifs pour l’environnement. Personnellement, ce sont deux produits que je n’utiliserai pas. Si je veux une couleur vive qui tienne dans le temps, j’aime autant utiliser les teintures « chimiques ».