Après le tricot sur machine à tricoter linéaire, voici quelques exemples de réalisation de chaussettes sur mes différentes machines à tricoter circulaires.
Ici fil à chaussette classique « 4 ply » et côtes 2/2. Pour réaliser des côtes 2/2 sur une machine à tricoter circulaire, il faut un disque de côtes qui comporte autant de rainures que le cylindre, donc ici, mon disque de côtes comporte 72 rainures, on en trouve des neufs qui vont sur les Legaré chez Erlbacher ici.
Fortissima 4 fils et cylindre 72 aiguilles sur « Legaré »
Démarrage des côtes en 3/1, laine à chaussette 4 ply, chaussettes pour homme.
Fortissima 4 fils et cylindre 84 aiguilles sur « L’éclair »
Ici la laine Zephir est 2 fois plus fine que la « 4 ply », j’utilise systématiquement un fil de renfort pour le talon (fil mousse nylon pour surjeteuse) et éventuellement pour la pointe.
Laine Zephir (15/2), cylindre 96 aiguilles sur machine « La Gauloise »
Passé une certaine finesse, je préfère tricoter avec du coton plutôt que de la laine, car je crains une trop grande fragilité des chaussettes. Il s’agit de coton 16/2 non mercerisé, utilisé généralement pour le tissage. Dans ce cas je renforce le talon et la pointe avec du fil mousse nylon. Et comme le coton n’a pas d’élasticité, je tricote toute la chausette avec un fil lycra en plus du coton. Cela améliore considérablement la tenue et le confort.
Coton 16/2 et cylindre 120 aiguilles sur machine « L’éclair »
Des chaussettes encore plus fines, je passe au coton mercerisé, toujours avec du fil mousse et du lycra.
Coton 20/2, cylindre 130 aiguilles sur machine « La Semeuse Jacquard »
Du coton encore plus fin, pratiquement du fil à broder. Les chaussettes sont très confortables !
Coton 34/2, cylindre 130 aiguilles sur machine « La Semeuse Jacquard »
J’ai également un cylindre de 160 aiguilles, mais pour l’instant je n’ai pas pu trouver d’aiguilles neuves car elles sont très fines et personne n’en propose. Je ne désespère pas de trouver un jour car j’aimerais beaucoup tricoter des chaussettes si fines !
Dans un autre registre, je me suis entraînée à réaliser des talons différents.
Talon carré sur Legaré.
Là on est presque sur des chaussettes comme tricotées à la main, côte 2/2 et talon en 3 parties avec gousset. Mais c’est toujours sur une machine à tricoter circulaire !
Talon carré avec gousset sur Legaré.
Il est aussi possible de réaliser d’autres accessoires comme des gants ou des mitaines.
La prochaine fois je vous parlerais de la dernière arrivée à l’atelier un peu avant Noël 2019, l’Eclair, une machine belge.
Une nouvelle venue à l’atelier : une machine à tricoter circulaire « La Gauloise éclair » de 96 aiguilles, datant des années 1910. La marque est française mais la machine a probablement été fabriquée en Angleterre par Harrisson pour le marché français. Elle ressemble aussi très fort à la Wikuna hollandaise.
Machine à tricoter circulaire « La Gauloise »
Et voilà, pratiquement 110 ans après, la machine fonctionne toujours aussi bien, j’ai pu faire une chaussette tout en côtes, la suivante arrive.
Arrivée partiellement démontée dans sa caisse en bois d’origine, la machine après un bon nettoyage et dégrippage est complète et parfaitement fonctionnelle. Comme d’habitude, il faut commencer par mettre des aiguilles neuves, mais je finis par connaître fournisseur, modèle à choisir et jauge 🙂
Machine à tricoter circulaire « La Gauloise »
La machine est équipée d’une sonnerie « sans rival » qui permet de détecter un nœud dans le fil ; le fil est guidé dans un œillet puis passe à travers une petite languette qui ne demande qu’à heurter la sonnette à la moindre résistance : il fallait y penser. Le système était breveté. J’adore cette petite sonnette, je n’en avais jamais vu ou entendu parler jusqu’ici.
Le cylindre de 96 aiguilles et le plateau de 48 est un peu intimidant au départ (bien que la Semeuse Jacquard que je possède a un cylindre de 130 aiguilles et je m’y fait petit à petit), mais cette machine fonctionne vraiment très bien, elle est fluide et tricoter des chaussettes tout en côtes est un vrai régal une fois qu’on a trouvé la laine qui va bien (en l’occurrence, la Zephir de Fonty est parfaite).
Chaussette en cours de réalisation
Avec la machine il y avait un catalogue des établissements Amineau, j’estime la date aux environs de 1930 donc postérieur à la machine (peut-être que le / la propriétaire rêvait d’une autre tricoteuse, linéaire ou plus performante ?). Et oh joie, il y a également des indications sur la façon de procéder à l’époque pour l’achat puis ensuite la fabrication des chaussettes en vue de les vendre. Un document à mes yeux inestimable donc. Je l’ai scanné, et le voici !
Catalogue Amineau
Une autre pépite venue avec la machine : le mode d’emploi d’époque. En très mauvais état hélàs, mais qui donc bouffe le papier comme ça Des souris ? En tout cas, en exclusivité mondiale, voici un mode d’emploi pour machine à tricoter circulaire en français !
Mode d’emploi La Gauloise
Je rigole, mais n’empêche que je n’en ai jamais trouvé aucun sur le net en français (ou alors il faut payer). Dans ce mode d’emploi il y a une explication pour tricoter la pointe des chaussettes « à la française » que je n’avais jamais vu ailleurs.
Je renouvelle ma demande de collecte d’informations ayant trait aux machines à tricoter circulaires : tout ce que vous pourrez me dire ou me fournir m’intéresse au plus haut point.
Cette machine dormait depuis probablement plus de 50 ans dans un grenier de Lorraine, bien emballée dans sa caisse en bois d’origine. Mis à part les aiguilles du plateau (disque à côtes) qui sont manquantes, la machine est en parfait état. La personne qui me l’a cédée préférait qu’elle revive plutôt que continuer à dormir, ailleurs dans un musée ou même chez un collectionneur qui ne saurait pas s’en servir. Merci à elle d’avoir fait des recherches et de m’avoir trouvé.
Machine à tricoter La Semeuse
J’en ai rêvé d’une telle machine…
Plaque sur la machine
J’ai très peu de documentation sur les machines à tricoter circulaires destinées au marché français. Il s’en est pourtant vendues, sous différentes marques : la Prévoyante, la Laborieuse, Omnia, la Gauloise, la Ruche, les Travailleurs Réunis et bien sûr la Semeuse… Certaines de ces machines n’étaient pas fabriquées en France, le fabricant (le plus souvent anglais) leur donnait un nom à consonance française pour le marché français.
En revanche, il s’avère que La Semeuse ainsi que La Laborieuse étaient bel et bien fabriquées en France, par les établissements Amineau Frères à Nantes. Fait étonnant, ils existent encore mais ne fabriquent plus de machines à tricoter depuis les années 1960.
Pour en revenir à ma dernière acquisition, vu son nombre d’aiguilles sur le cylindre, 132, elle ne servait pas à tricoter des chaussettes, mais plutôt des bas. D’ailleurs avec la machine j’ai des formes en bois, ainsi que de la soie – ou de la rayonne – très fine. Heureusement que j’ai l’habitude de manier les fils très fins avec le tissage, ça intimide un peu moins 😉 Car cette soie – ou rayonne – est aussi fine que du coton 20/2 (50 grammes = 850 mètres, WPI 68 et 12 -14 fils au cm en tissage), c’est à dire proche du fil à broder.
Formes à bas et soie
Ah comme j’aimerais que ma machine me raconte son histoire et me dise tout ce qu’elle a déjà pu tricoter…
Machine à bas circulaire
D’après mes recherches, elle a dû être fabriquée autour des années 1925-1932. J’imagine qu’un tel achat à l’époque devait représenter un certain investissement. Dans une rare documentation en ma possession, cette machine dans cette configuration coûtait 1375 francs de l’époque. Dans quel contexte on peut être amené à faire cette dépense qui représentait plusieurs mois si ce n’est pas une année de salaire ?
Surtout qu’elle a une particularité, et de taille : elle est équipée pour faire du jacquard.
Accessoires, à gauche un cylindre pour jacquard, en haut à gauche probablement un outil pour passer un fil élastique, et au milieu en haut le plateau pour les côtes.
Alors une La Semeuse c’est déjà peu courant, mais avec l’option jacquard c’est encore plus rare. Le cylindre jacquard est d’ailleurs estampé « breveté », même si je sais que Griswold en Angleterre a aussi fabriqué une machine circulaire capable de jacquard (mais qui diffère légèrement de celle-ci).
Travail en jacquard
cylindre à jacquard breveté
Mais pourquoi ces machines à tricoter circulaire françaises sont si peu courantes contrairement à des machines anglaises ou canadiennes ?
Toujours en faisant des recherches j’ai trouvé plusieurs petites annonces dans des journaux, qui demandaient des tricoteuses sur machine, pour du travail à domicile ou même dans des filatures ou usines de bonneterie.
Petites annonces en 1915 et 1920
Il est intéressant de noter qu’à cette époque, les filatures de laine elles-même fabriquaient des chaussettes…
Je peux en déduire que c’étaient surtout les entreprises de bonneterie (industrie de la maille) et les filatures qui possédaient ces machines, l’investissement pour un particulier à l’époque était trop important. Dans ce contexte, lorsqu’on a su inventer des machines automatiques qui ont permis d’augmenter considérablement la production, ces petites machines à manivelle sont sûrement parties à la ferraille. 🙁 Ne restent que celles qui appartenaient à des privés.
J’ai donc eu beaucoup de chance qu’une telle machine m’ait trouvée.
Caisse d’origine
Voici un accessoire qui je pense sert à épisser (doubler) le talon et le pied, mais je n’ai pas encore trouvé comment l’utiliser.
accessoire pour insérer un élastique ou renforcer le talon ?
Je vois bien où il s’installe, comment y mettre un fil, mais ce fil ne tricote pas. Il doit yavoir quelque chose que je n’ai pas compris. A moins qu’il ne serve que pour les côtes. Mais j’ai des doutes.
Pour épisser le talon et la pointe ?
A part cela, j’ai pu me servir un peu de cette machine qui tricote à merveille bien qu’elle soit déroutante car elle a deux cames (donc deux réglages de grandeur de maille, une pour le fil principal, une pour le fil de motif jacquard), ce qui occasionne quelques difficultés pour l’utiliser.
Et j’aimerais remplacer les aiguilles du cylindre, qui ne fonctionnent pas de manière très souple. Cependant, ce n’est pas aussi facile que ça en l’air. Les aiguilles sont très fines, bien plus fines que les modèles courants. J’ai contacté un fabriquant d’aiguilles mais qui n’a pas ce modèle. Il me reste un mince espoir avec Angora Valley, et sinon ça sera la dernière chance avec Bertus Van Manen mais avec des aiguilles trop épaisses qu’il me faudra limer. Je n’ai pas envie de toucher à l’intégrité de la machine en limant le cylindre et le plateau pour y faire rentrer mes aiguilles.
Du jacquard avec du coton mercerisé 20/2
Et fabriquer une paire de bas sera vraiment un défit, mais que je compte bien relever ! Si tricoter de la laine à chaussette avec une machine circulaire c’est relativement aisé pour qui a l’habitude, utiliser de la laine fine ou du coton avec tant d’aiguilles, cela va demander patience et minutie. Déjà, je vais avoir besoin d’une loupe ! Mais comment faisaient les femmes à l’époque ?
Pour le plaisir des vieilles machines, voici une vidéo montrant le tricotage en jacquard :
Je termine cet article par un appel à documentation : si vous avez des pages de catalogues, des souvenirs de votre mère, grand-mère ou autre qui aurait pu utiliser une telle machine dans un cadre domestique ou dans une usine, tous vos témoignages, fichiers, documents d’époque, m’intéressent au plus haut point !
Et puis, si vous avez une machine comme ça qui dort dans votre grenier, ou même des pièces détachées, n’hésitez pas à me contacter.